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DE PHILOSOPHIE.

dans un temps plus court que toute autre petite partie de courbe passant par les mêmes extrémités ; dès lors la voie est, pour ainsi dire, ouverte au calcul, et le problème est réduit à une pure question d’analyse. On peut voir ce que nous avons dit sur cela dans l’Éloge de M. Bernoulli, à l’occasion de cette question même, dans nos Mélanges ; nous avons tâché d’y exposer tout à la fois l’usage et l’abus qu’on peut faire de la métaphysique dans cette question, envisagée même sous divers autres points de vue, un tel exemple sera plus utile pour faire sentir cet abus et cet usage, que des préceptes généraux sans application.

Enfin l’usage et l’abus de la métaphysique en géométrie peuvent surtout avoir lieu dans deux parties considérables de cette dernière science, dans l’application de l’analyse à la géométrie, et dans le calcul infinitésimal.

Nous l’avons déjà dit ailleurs, une métaphysique aussi fine que vraie a présidé à l’invention du calcul algébrique, de l’application de ce calcul à la géométrie, et surtout du calcul infinitésimal. Cette métaphysique lumineuse et simple, qui a guidé les inventeurs, leur a fait imaginer des formules ou façons abrégées de s’exprimer, dans lesquelles toute cette métaphysique est, pour ainsi dire, enveloppée ; mais ces signes abrégés ont cela de commode, qu’ils réduisent presque toute la science à des opérations purement mécaniques. Ces opérations sont k la métaphysique qui a guidé les inventeurs, ce que les règles usuelles de la grammaire sont à la métaphysique des idées d’après lesquelles ces règles ont été établies ; métaphysique qui ne peut être connue et sentie que par les philosophes, au lieu que les règles qui en sont le résultat sont à la portée de la multitude, et destinées à son usage. De même, dans les arts mécaniques, l’esprit et le génie des inventeurs se trouve, si on peut parler de la sorte, réduit et concentré dans un petit nombre d’opérations manuelles, d’autant plus admirables, que leur simplicité les met à portée d’être exécutées par les mains les plus grossières, par des hommes bien éloignés de se douter de l’esprit qui met leurs doigts en mouvement ; à peu près comme le corps est guidé par une âme qu’il ne connaît point.

C’est donc cette métaphysique primitive, que le philosophe doit chercher dans les opérations algébriques, dans l’application de ces opérations à la géométrie, et dans le calcul infinitésimal. Pour y parvenir et ne s’égarer jamais, il doit toujours avoir devant les yeux cette grande vérité, que la métaphysique qu’il cherche doit être aussi simple et aussi lumineuse que les opérations qui en sont le résultat sont sûres et faciles ; parce qu’il eût été impossible que des principes obscurs et alambiqués eussent