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ÉLÉMENS

haut : on verra l’abus de la métaphysique dans les difficultés dont on a embrouillé cette question, faute d’avoir fixé nettement l’idée qu’on devait attacher au mot angle ; on apercevra l’usage de la métaphysique dans l’examen de la véritable idée qu’on doit attacher à ce mot, examen au moyen duquel toute cette controverse se réduit à une question de nom. Nous avons déjà remarqué, à l’occasion de cette controverse même, que ce n’est pas le seul exemple de pareilles disputes élevées dans le sein des mathématiques, et qui, au grand scandale de l’évidence dont cette science se glorifie, ont partagé quelquefois les savans les plus éclairés et les plus célèbres.

L’usage et l’abus de la métaphysique peuvent encore avoir lieu dans la solution de certains problèmes ; on tombe dans l’abus, en voulant employer les raisonnemens métaphysiques à résoudre des questions pour lesquelles nous avons un guide plus sûr, le calcul et l’analyse qui ne peuvent nous égarer, au lieu qu’une métaphysique vague et hasardée, quelquefois même une métaphysique claire et simple en apparence, peut nous égarer souvent. Qu’on demande, par exemple, quelle est la ligne qu’un corps pesant doit décrire pour aller d’un point donné à un autre point donné dans le temps le plus court qu’il est possible ; un métaphysicien, surtout s’il avait le malheur d’être un peu géomètre, répondrait tout d’un coup, et sans hésiter, que la ligue qu’on cherche est une ligne droite ; parce que cette ligne étant la plus courte de toutes, doit par conséquent être parcourue en moins de temps qu’aucune autre. Le métaphysicien se tromperait ; une analyse exacte fait voir que la ligne cherchée est une courbe. Mais que peut faire la métaphysique, et en quoi consiste ici son véritable usage ? Elle peut, quand le problème est résolu, éclairer l’esprit jusqu’à un certain point sur le résultat de la solution, dissiper le paradoxe auquel cette solution semble conduire, faire connaître comment il est possible qu’une certaine ligne courbe, quoique plus longue que la ligne droite, soit néanmoins parcourue en moins de temps.

La métaphysique peut faire encore plus ; elle peut même, non yjas faire trouver la solution des problèmes, mais faire entrevoir en plusieurs cas la route qu’on doit suivre pour arriver à cette solution ; elle y parvient par un examen attentif des circonstances de la question proposée. Par exemple, dans celle dont il s’agit, elle nous montre que la propriété d’être la courbe de la plus vile descente, doit avoir lieu non-seulement dans la courbe prise en total, mais dans chacune de ses parties infiniment petites ; d’où l’on voit que la question se réduit à trouver une courbe dont chaque partie infiniment petite soit parcourue