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DE PHILOSOPHIE.

ou auxquels il est nécessaire de remonter pour mettre au creuset les vérités qu’on croit découvrir.

Cependant comme le mot métaphysique ne doit s’appliquer proprement, et suivant son sens véritable, qu’aux objets immatériels, on ne donne point proprement de partie métaphysique aux sciences qui ont des objets palpables et sensibles : c’est par cette raison que la médecine, la pharmacie, la botanique, la chimie n’ont point de métaphysique, par la même raison, la physique particulière, qui entre dans le détail des propriétés des corps matériels, n’en a pas non plus ; mais la physique générale en a une, parce que cette physique a pour objet des choses abstraites, comme l’espace en général, le mouvement et le temps en général, les propriétés générales de la matière. La grammaire a de même sa métaphysique, en tant qu’elle analyse les idées dont les mots ne sont que les exj^ressions ; la musiquç a la sienne, en tant qu’elle remonte aux sources du plaisir que l’harmonie et la mélodie nous causent. Enfin la géométrie, qui s’occupe, comme la physique générale, des propriétés de l’étendue abstraite, mais de l’étendue en tant que figurée, au lieu que la physique générale la considère en tant que divisible et mobile, la géométrie, dis-je, a aussi sa métaphysique comme la physique générale ; c’est de cette dernière métaphysique qu’il est ici principalement question.

En toutes choses, dit la morale pratique, il faut considérer la fin ; en toutes choses, dit la saine métaphysique spéculative, il faut considérer le principe. Or quel est le principe de la géométrie ? La nature de l’étendue, non pas peut-être telle qu’elle est, mais telle que nous la concevons, c’est-à-dire comme composée de parties semblables entre elles, et comme étant susceptible de trois dimensions, que nous pouvons considérer, ou toutes ensemble, ou deux à deux, ou chacune séparément.

Le premier usage de la métaphysique en géométrie, est de donner d’après cette notion des idées claires du solide, de la surface, de la ligne ; l’abus serait de disserter sur la nature de l’étendue, sur l’existence du point mathématique, qui n’est qu’une abstraction de l’esprit, sur la nature de la ligne droite qu’il nous est si difficile de bien définir, quoique nous la connaissions assez par sa propriété principale pour en déduire évidemment toutes les autres. Voyez à ce sujet nos réflexions précédentes sur les Élémens de géométrie, § XII.

L’usage et l’abus de la métaphysique en géométrie peuvent aussi se faire sentir tout à la fois dans la manière de traiter certaines questions qui ont partagé les géomètres, par exemple, daus celle de l’angle de contingence, dont nous avons parlé plus