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DE PHILOSOPHIE.

dans cette suite, plus la somme de ces nombres approchera tl’etre égale à 1, et qu’elle pourra en approcher aussi près qu’on voudra. Cette dernière condition est nécessaire pour compléter l’idée attachée au mot limite. Car le nombre 2, par exemple, n’est pas la limite de la somme de cette suite, parce que, quelque nombre de termes qu’on y prenne, la somme à la vérité approchera toujours de plus en plus du nombre 2, mais, ne pourra en approcher aussi près qu’on voudra, puique la différence sera toujours plus grande que l’unité.

De même quand onditc[uelasoramede cette suite 2, 4, 8, 16. etc. ou de toute autre qui va en croissant, est infinie, on eut dire que plus on prendra de termes de cette suite, plus la somme en sera grande, et qu’elle peut être égale à un nombre aussi grand qu’on voudra.

Telle est la notion qu’il faut se former de l’infini, au moins par rapport au point de vue sous lequel les mathématiques le considèrent ; idée nette, simple, et à l’abri de toute chicane.

Je n’examine point ici s’il y a en effet des quantités infinies actuellement existantes ; si l’espace est réellement infini ; si la durée est infmie ; s’il y a dans une portion finie de matière un nombre réellement infini de particules. Toutes ces questions sont étrangères à l’infini des mathématiciens, qui n’est absolument, comme je viens de le dire, que la limite des quantités finies ; limite dont il n’est pas nécessaire en mathématiques de supposer l’existence réelle ; il suffit seulement que le fini n’y atteigne jamais.

La géométrie, sans nier l’existence de l’infini actuel, ne suppose donc point, au moins nécessairement, l’infini comme réellement existant ; et cette seule considération suffit pour résoudre un grand nombre d’objections qui ont été proposées sur l’infini mathématique.

On demande, par exemple, s’il n’y a pas des infinis plus grands les uns que les autres, si le carré d’un nombre infini n’est pas infiniment plus grand que ce nombre ? La réponse est facile au géomètre : un nombre infini n’existe pas pour lui, au moins nécessairement ; l’idée de nombre infini n’est pour lui qu’une idée abstraite, qui exprime seulement une limite intellectuelle à laquelle tout nombre fini n’atteint jamais.

Quand on parle en géométrie d’infinis du second et iu troisième ordre, il est aisé d’attacher des notions nettes à ces expressions, sans se jeter dans une métaphysique obscure et contentieusc. Si on dit, par exemple, lorsque telle ligne devient infinie, telle autre ligne qui en dépend est infinie du second ordre, cela signifie que le rapport de la seconde ligne à la pre-