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ÉLÉMENS

d’ailleurs été exécuté dans un grand nombre d’ouvrages. Ce que nous nous sommes proposé ici, c’est seulement de présenter sur l’algèbre et son application à la géométrie des notions simples, nettes et précises, à des personnes à qui d’autres occupations ne permettent pas de s’appliquer à ces sciences et à’en faire leur objet. Nous croyons que le peu que nous avons dit suffira pour leur donner ces notions, et pour leur faire sentir l’usage et l’utilité de l’analyse mathématique dans la science des propriétés de l’étendue.

§ XIV. Éclaircissement sur les principes métaphysiques du calcul infinitésimal, p. 275.

Pour se former des notions exactes de ce que les géomètres appellent calcul infinitésimal, il faut d’abord fixer d’une manière bien nette l’idée que nous avons de l’infini.

Pour peu qu’on y réfléchisse, on verra clairement que cette idée n’est qu’une notion abstraite. Nous concevons une étendue finie quelconque, nous faisons ensuite abstraction des bornes de cette étendue, et nous avons l’idée de l’étendue infinie. C’est de la même manière, et même de cette manière seule, que nous pouvons concevoir un nombre infini, une durée infinie, et ainsi du reste.

Par cette définition ou plutôt cette analyse, on voit d’abord à quel point la notion de l’infini est pour ainsi dire vague et imparfaite en nous ; on voit qu’elle n’est proprement que la notion d’indéfini, pourvu qu’on entendepar ce mot une quantité vague à laquelle on n’assigne point de bornes, et non pas, comme on le peut supposer dans un autre sens, une quantité à laquelle on conçoit des bornes sans pourtant les fixer d’une manière précise.

On voit encore par cette notion que l’infini, tel que l’analyse le considère, est proprement la limite du fini, c’est-à-dire le terme auquel le fini tend toujours sans jamais y arriver, mais dont on peut supposer qu’il approche toujours de plus en plus quoiqu’il n’y atteigne jamais. Or c’est sous ce point de vue que la géométrie et l’analyse bien entendues considèrent la quantité infinie ; un exemple servira à nous faire entendre.

Supposons cette suite de nombres fractionnaires à l’infini, 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, etc., et ainsi de suite, en diminuant toujours de la moitié : les mathématiciens disent et prouvent que la somme de cette suite de nombres, si on la suppose poussée à l’infini, est égale à 1. Cela signifie, si on veut ne parler que d’ajuès des idées claires, que le nombre 1 est la limite de la somme de cette suite de nombres ; c’est-à-dire, que plus on prendra de nombres