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ÉLÉMENS

penser de toutes les discussions métaphysiques qui partagent quelquefois les mécaniciens et les géomètres.

Si on doit s’attacher, dans les élémens de géométrie, à ne mettre dans les déiinitions que ce qui est nécessaire, pour donner plus de précision et de rigiteur aux propositions qu’on en déduit, il est un autre écueil qu’on doit éviter avec soin ; c’est celui de ne pas développer suffisamment l’idée qu’on doit attacher à certaines expressions. La géométrie, même élémentaire, et toutes les parties des mathématiques font souvent usage d’expressions de cette espèce, qui dans le sens métaphysique qu’elles présentent, paraissent d’abord peu exactes, mais qui ne doivent être regardées que comme des manières abrégées de s’exprimer, que les mathématiciens ont inventées pour énoncer une vérité dont le développement et l’énoncé exact auraient demandé beaucoup de mots. Il faut donc, avant que de faire usage de ces expressions, fixer d’une manière nette et précise la notion qu’elles renferment.

On dit, par exemple, qu’un parallélogramme est le produit de sa base par sa hauteur. Que signifie cette proposition ? Qu’est-ce que le produit de la base par la hauteur, c’est-à-dire, la multiplication d’une ligne par une autre ? Est-ce qu’on multiplie des lignes par des lignes ? Non certainement ; car dans toute multiplication, une des deux quantités au moins doit être un nombre abstrait ; multiplier, c’est prendre un certain nombre de fois une certaine chose ou un certain nombre de choses ; on peut multiplier une ligne par un nombre, par exemple par 3, ce qui signifie qu’on prendra cette ligne trois fois, mais on ne multiplie point une ligne par une ligne ; cette opération ne présente aucune idée nette. Quelques mathématiciens, il est vrai, ont dit que la multiplication d’une ligne par une ligne consistait à prendre une de ces lignes autant de fois qu’il y a de points dans l’autre, ce qui produit une surface. Mais cette notion est sujette à beaucoup de difficultés. Elle suppose que la surface est composée de lignes, et la ligne de points ; elle supjîose que pour prendre une ligne autant de fois qu’il y a de points dans une autre, il faut que cette autre ligne soit élevée perpendiculairement’sur la première : car si le côté d’un parallélogramme n’est pas perpendiculaire à la base, alors le parallélogramme n’est plus le produit du côté par la base ; cependant, suivant les notions que se forment de la surface les mathématiciens que nous combattons, on ne peut disconvenir que dans la surface du parallélogramme la base ne se trouve répétée autant de fois que le côté a de points ; à moins qu’on ne veuille admettre dans une ligne des points plus grands les uns