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DE PHILOSOPHIE.

quelles cette parallèle a été tirée. Supposer cette ve’rité sans la démontrer, c’est supposer ce que la définition ne renferme et ne doit renfermer qu’implicitement ; car cette déânition ne suppose et ne doit supposer que l’égalité des deux perpendiculaires, dont les extrémités suffisent pour déterminer la position de la parallèle) d’oii il faut conclure et prouver l’égalité de ces perpendiculaires avec toutes les autres. J’ose avancer, et je ne crains point d’être contredit par ceux qui y réfléchiront, que la proposition que nous présentons à démontrer ici, et en général la théorie des parallèles, est un des points les plus difficiles dans les élémens de géométrie ; et j’ajoute que cette théorie serait bien avancée par cette démonstration.

On parviendrait peut-être plus facilement à la trouver, si on avait une bonne définition de la ligne droite ; par malheur cette définition nous manque. Il ne paraît pas possible d’eti donner une autre que cella dont presque tous les mathématiciens font usage ; mais cette définition, comme nous l’avons dit ailleurs, exprime plutôt une propriété de la ligne droite, que sa notion primitive. Ce n’est pas que je veuille, avec quelques géomètres, chercher cette notion dans l’idée que la vision nous donne de la ligne droite, en nous apprenant que les points de cette ligne se couvrent les uns les autres, lorsque l’œil se trouve placé dans son prolongement. Cette notion de la ligne droite serait très-peu géométrique, 1o. parce qu’il y a des lignes droites pour un aveugle, et que l’illustre Sanderson entre autres en avait une idée très-distincte sans en avoir jamais vu ; 2o. parce qu’il serait impossible de savoir que la lumière se répand en ligne droite, si, pour connaître la rectitude d’une ligne, nous n’avions d’autre moyen que d’examiner si les points de cette ligne se cachent les uns les autres, quand l’œil est placé dans son prolongement. Si la lumière se propageait en suivant une ligne circulaire d’une courbure déterminée, et que l’œil fût placé sur la circonférence d’un tel cercle, tous les points de ce cercle se cacheraient les uns les autres, et cependant la ligne sur laquelle ils seraient placés ne serait pas droite.

On ne définirait pas mieux la ligne droite, en disant avec d’autres auteurs que c’est une ligne dont tous les points sont dans la même direction. Car qu’est-ce que direction ? Et comment en peut-on avoir l’idée, si on n’a déjà celle de ligne droite ?

On est donc comme forcé d’en revenir à la définition ordinaire, que la ligne droite est celle qui est la plus courte d’un point à un autre. Mais il est aisé de sentir que cette définition n’est pas telle qu’on pourrait le désirer. En premier lieu, d’oii sait-on que d’un point à un autre il n’y a qu’un seul chemin qui