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DE PHILOSOPHIE.

mécanique et trop fréquent d’une analyse facile et peu nécessaire, rendra l’esprit paresseux, prompt à se rebuter par les obstacles, et par là moins propre aux découvertes ; mais nous ne conviendrons jamais que l’analyse rende les démonstrations moins rigoureuses. On peut regarder la méthode des anciens comme une route tortueuse, difficile et embarrassée, dans laquelle le géomètre exerce et faîigue ses lecteurs ; l’analyste, placé à un point de vue plus élevé, voit cette route d’un coup d’œil ; il ne tient qu’à lui d’en parcourir tous les sentiers, d’y conduire les autres, et de les y arrêter aussi long-temps qu’il veut. Enfin, et c’est ici le plus grand avantage de la méthode analytique, combien de questions en géométrie auxquelles cetle méthode seule peut atteindre ? Peut-être serons-nous contredits ici par les Anglais, grands partisans de la géométrie ancienne, sur la foi de Newton qui la louait, et qui s’en servait pour cacher sa route, en employant l’analyse pour se conduire lui-même ; mais ne serait-ce point aussi par trop d’attachement pour cette géométrie ancienne, que les Anglais n’ont pas fait en mathématique, depuis la mort de Newlon, tous les progrès qu’on aurait pu attendre d’eux ? C’est à d’autres nations, et surtout aux Français, qu’on est redevable des nouvelles découvertes qui ont si considérablement reculé les limites de l’astronomie physique. Qu’on essaie d’employer à ces recherches la méthode des anciens, on sentira bientôt l’impossibilité d’y réusir. Ce n’est donc qu’à des géomètres médiocres qu’il appartient de rabaisser l’analyse ; jamais un art n’est décrié que par ceux qui l’ignorent, et qui trouvent, dit l’illustre historien de l’Académie des sciences, une espèce de consolation à traiter d’inutile ce qu’ils ne savent pas.

Un des principaux points de l’application de l’algèbre à la géométrie, est ce qu’on appelle aujourd’hui, quoiqu’assez improprement, le calcul de l’infini, et qui facilite d’une manière si surprenante des solutions que l’analyse ordinaire tenterait en vain. (Voyez Éclaircissement, § XIV, pag. 288.) Le philosophe doit moins s’appliquer aux détails de ce calcul, qu’à bien développer les pincipes qui en sont la base. Ce soin est d’autant plus nécessaire, que la plupart de ceux qui ont expliqué les règles du calcul de l’infini, ou en ont négligé les vrais priucipes, ou les ont présentés d’une manière très-fausse. Après avoir abusé en métaphysique de la méthode des géomètres, il ue restait plus qu’à abuser de la métaphysique en géométrie, et c’est ce qu’on a fait. Non-seulement quelques auteurs ont cru pouvoir introduire dans la géométrie transcendante une logique ténébreuse, qu’ils ont nommée sublime ; ils ont même prétendu la faire