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ÉLÉMENS

Or la géométrie des courbes demande nécessairement l’usage de l’algèbre. Ainsi le premier pas qu’on doit faire dans cette science, est l’explication des principes sur lesquels est appuyée l’application de l’algèbre à la géométrie. (Voyez Éclaircissement, § XIII, pag. 285.) C’est par oii l’on doit commencer au sortir des éléraens, parce que c’est alors que l’algèbre commence à rendre les démonstrations et les solutions plus faciles. Nous n’ignorons pas néanmoins qu’il y a plusieurs recherches dans la géométrie des courbes, où l’on peut absolument se passer de l’analyse algébrique ; nous n’ignorons pas même avec combien d’éloges de très-grands géomètres ont parlé de l’utilité qu’on peut tirer de la méthode des anciens dans ces mêmes recherches, pour donner plus d’exercice à l’esprit et plus de rigueur aux démonstrations. Mais leurs raisons ne nous paraissent pas fort solides. En premier lieu, n’y a-t-il pas en géométrie assez de difficultés naturelles à vaincre pour ne pas en faire naître d’inutiles ? À quoi bon user toutes les forces de son esprit sur des connaissances qu’on peut acquérir avec moins de peine ? Les propriétés de la spirale, que de très-grands mathématiciens n’ont pu suivre dans Archimède, se démontrent d’un trait de yjlume jîar l’analyse ; serait-il raisonnable de consumer un temps précieux à suivre avec fatigue dans Archimède ce qu’il est si facile d’apprendre ailleurs ? À l’égard de l’avantage qu’on veut donner aux démonstrations faites à la manière des anciens, d’être plus rigoureuses que les démonstrations algébriques, cette prétention ne nous paraît guère mieux établie. La dénomination algébrique, il est vrai, a cela de particulier, que quand on aura désigné toutes les lignes des figures par des lettres, on pourra faire, au moyen de ces lettres, beaucoup d’opérations et de combinaisons sans songer à la figure, sans l’avoir même devant les yeux ; mais ces opérations même, toutes machinales qu’elles sont, ou plutôt parce qu’elles sont purement machinales, ont l’avantage de soulager l’esprit dans des recherches souvent très-pénibles, et pour lesquelles il a besoin de tous ses efforts ; l’analyse lui ménage, autant qu’il est possible, des instans nécessaires de délassement et de repos ; il suffit de savoir que les principes du calcul sont certains ; la main calcule en toute sûreté, et parvient enfin à un résultat auquel sans ce secours on ne serait point parvenu, ou auquel on ne serait arrivé qu’avec beaucoup de peine. Mais il ne tiendra qu’à l’analyste de donner ensuite à sa démonstration ou à sa solution la rigueur prétendue qu’on croit lui manquer ; il lui suffira pour cela de traduire cette démonstration dans le langage des anciens, comme Newton a fait la plupart des siennes. Nous couvieiidrons sans peine que l’usage