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DE PHILOSOPHIE.

Outre les définitions auxquelles on ne saurait apporter trop de soin, le philosophe doit encore avoir égard, dans les éiémens de géométrie, à deux autres points très-importans ; aux propositions fondamentales et à la manière de démontrer.

Les propositions fondamentales peuvent être réduites à deux ; la mesure des angles par les arcs de cercle, et le principe de la superposition. Ce dernier principe n’est point, comme l’ont prétendu plusieurs géomètres, une méthode de démontrer peu exacte et purement mécanique. La superposition, telle que les mathématiciens la conçoivent, ne consiste pas à appliquer grossièrement une figure sur une autre, pour juger par les yeux de leur égalité ou de leur différence, comme un ouvrier applique son pied sur une ligne pour la mesurer ; elle consiste à imaginer une figure transportée sur une autre, et à conclure de l’égalité supposée de certaines parties des deux figures, la coïncidence de ces parties entre elles, et de leur coïncidence la coïncidence du reste ; d’oii résulte l’égalité et la similitude parfaite des figures entières. Cette manière de démontrer a donc l’avantage, non-seulement de rendre les vérités palpables, mais d’être encore la plus rigoureuse et la plus simple qu’il est possible, en un mot, de satisfaire l’esprit en parlant aux yeux.

Les démonstrations qu’on peut employer en géométrie sont de deux espèces, directes ou indirectes. Les premières sont immédiatement déduites de la notion même de l’objet dont on veut établir quelque propriété ; ce sont celles qu’on doit employer de préférence, parce qu’elles éclairent en même temps qu’elles convainquent. Mais si le nombre de nos connaissances certaines est fort petit, celui de nos connaissances directes l’est encore davantage. Nous ignorons, par rapport à un grand nombre d’objets, ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas ; et nou. « ; n’avons sur beaucoup d’autres que des idées négatives, c’est-à-dire, nous savons ce qu’ils ne sont pas bien mieux que ce qu’ils sont ; heureux encore dans notre indigence de posséder cette connaissance imparfaite et tronquée, qui n’est qu’une manière un peu plus raisonnée et un peu plus douce d’être ignorans. Or, dans tous ces cas, on sera forcé d’avoir recours aux démonstrations indirectes. Les principales démonstrations de ce genre sont connues sous le nom de réduction à l’absurde ; elles consistent à prouver une vérité par les absurdités qui s’ensuivraient si on ne l’admettait pas. Dans cette classe doivent être placées toutes les démonstrations qui regardent les incommensurables, c’est-à-dire, les grandeurs qui n’ont aucune commune mesure entre elles. En effet, l’idée de l’infini entre nécessairement dans celle de ces sortes de quantités ; ornous n’avons de l’infini qu’une