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ÉLÉMENS

inutilité sont pour cet objet les axiomes dont les géomètres font si souvent usage ; nous avons observé de plus qu’en géométrie on doit supposer l’étendue telle que tous les hommes la conçoivent, sans se mettre en peine des objections et des subtilités scolastiques ; ajoutons qu’on doit supposer de même dans les élémens de géométrie les idées abstraites de surface plane et de ligne droite, sans faire de vains efforts pour réduire ces idées à qiselque notion plus simple. N’imitons pas un géomètre moderne, qui, par la seule idée d’un fil tendu, croit pouvoir démontrer les propriétés de la ligne droite indépendamment du plan ; et qui ne se permet pas même cette hypothèse, qu’on peut imaginer une ligne droite menée d’un point à un autre sur une surface plane ; comme si la supposition d’un fil tendu pour représenter une ligne droite, était plus simple et plus rigoureuse que l’hypothèse dont on vient de parler ; ou plutôt comme si cette supposition n’avait pas l’inconvénientde représenter par une image physique, imparfaite et grossière, une hypothèse mathématique et rigoureuse.

Nous ne prétendons pas pour cela qu’on doive supprimer des élémens de géométrie les définitions de la surface plane et de la ligne droite. Ces définitions sont nécessaires ; car on ne saurait connaître les propriétés des lignes droites et des surfaces planes sans partir de quelque propriété simple de ces lignes et de ces surfaces, qui puisse être aperçue à la première vue de l’esprit, et par conséquent être prise pour leur définition. Ainsi on définit la ligne droite, la ligne la plus courte qu’on puisse mener d’un point à un autre, et la surface plane, celle à laquelle une ligne droite se peut appliquer en tout sens. Mais ces deux définitions, quoique peut-être préférables à toutes celles qu’on pourrait imaginer, ne renferment pas l’idée primitive que nous nous formons de la ligne droite et de la surface plane ; idée si simple, et pour ainsi dire si indivisible et si une, qu’une définition ne peut la rendre plus claire, soit par la nature de cette idée même, soit par l’imperfection du langage.

En général, les définitions sont ce qui mérite le plus d’attention dans des élémens de géométrie, et d’où dépend surtout la perfection de ces élémens. C’est pourtant ce qu’on a le plus souvent négligé dans les élémens modernes. Nous n’en citerons qu’un exemple. L’auteur de l’Art de penser définit l’angle, l’ouverture de deux lignes qui se rencontrent ; et il reprend Ëuclide d’avoir appelé l’angle un espace : la définition d’Euclide peut être défectueuse, mais ce n’est pas par le côté qu’on lui reproche ; car l’idée de l’ouverture formée par deux lignes suppose nécessairement celle de l’espace que ces lignes renferment.