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DE D’ALEMBERT.

paraît changer la nature de cette question. D’Alembert n’a pas donné la solution du problème en visa gés ous ce point de vue, car celle qu’il propose, et qui consiste à comparer le risque de mourir de l’inoculation dans un court espace de temps, à celui d’être attaqué de la petite vérole naturelle, et d’en mourir aussi dans un temps très-petit, donne seulement une limite au-dessous de laquelle le risque que court un inoculé, n’empêche pas que l’inoculation ne lui soit avantageuse ; mais ce risque pourrait être au-dessus de la même limite, sans que l’on dût louer le courage ou condamner l’imprudence de celui qui s’exposerait à ce danger. La vraie solution du problème dépend d’une méthode d’évaluer la vie, ou plutôt de l’apprécier (car sa durée ne doit pas entrer seule dans le calcul) ; et il serait bien difficile de trouver pour cette méthode des principes dont tous les hommes, même raisonnables, voulussent convenir, soit pour eux-mêmes, soit pour leurs enfans. C’est principalement dans cette dernière hypothèse que la question devient difficile, et qu’elle peut être importante ; en prononçant sur notre propre danger, nous pouvons suivre notre volonté, nos penchans ; et après avoir balancé nos intérêts, nous décider pour celui que nous préférons : en prononçant sur le sort d’autrui, la justice la plus sévère doit nous conduire : le droit que nous avons sur l’existence d’un autre, n’est fondé que sur l’ignorance qui l’empêche de juger pour lui-même ; c’est donc sur son avantage réel, et non sur notre seule opinion, que notre volonté doit se régler ; il ne suffit point de croire qu’il soit utile pour lui de l’exposer à un danger, il faut que cette utilité soit prouvée. On chercherait vainement à éluder la difficulté, en décidant qu’alors l’intérêt général doit l’emporter ; ce patriotisme exagéré n’est qu’une illusion dangereuse, capable d’entraîner à des injustices et même à des crimes les hommes ignorans et passionnés : sans doute il est des circonstances où l’on peut devoir au bonheur public le sacrifice volontaire de ses droits, mais jamais celui des droits d’un autre ne peut être ni juste ni légitime.

Parmi les mémoires de d’Alembert, on en trouve plusieurs qui ont pour objet le calcul intégral, et qui renferment en quelques pages un grand nombre de méthodes particulières ou de vues nouvelles sur la théorie générale de ce calcul ; telle est une méthode pour réduire à la solution d’une équation linéaire la recherche de l’intégral indéfiniment approchée d’une équation quelconque ; méthode à la fois élégante et singulière : telles sont des observations importantes sur la forme générale du facteur, qui rend l’équation qu’il multiplie, la différentielle exacte d’une fonction ou finie, ou d’un ordre moins élevé : dans ces morceaux dispersés, les vérités se pressent, et comme elles sont peu développées, elles peuvent échapper à un lecteur inattentif ou peu instruit ; l’auteur y paraît plus occupé d’assurer aux géomètres des vérités nouvelles, que de jouir de la gloire qu’il pouvait en attendre ; ainsi la plupart de ces mémoires offriront à ceux qui sauront les méditer et en faire usage, des lumières utiles, et peut-être même leur vaudront beaucoup de gloire, s’ils n’ont pas la générosité de les rapporter au premier auteur.

La solution du problème des tautochrones mérite une mention