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ÉLÉMENS

XV. GÉOMÉTRIE.

Muni des premières notions de l’algèbre, le philosophe s’en sert pour passer à la géométrie, qui est la science des propriétés de l’étendue, en tant qu’on la considère comme simplement étendue et figurée. (Voyez Éclaircissement, § XII, p. 207.) C’est pour déterminer plus facilement les propriétés de l’étendue, comme nous l’avons dit ailleurs, qu’on y considère d’abord une seule dimension, c’est-à-dire la longueur ou la ligne, ensuite deux dimensions qui constituent la surface, enfin les trois dimensions ensemble d’oli résulte la solidité. C’est donc par une simple abstraction de l’esprit que le géomètre envisage les lignes comme sans largeur, et les surfaces comme sans profondeur. Ainsi les ventés que la géométrie démontre sur l’étendue sont des vérités purement hypothétiques. Ces vérités cependant n’en sont pas moms utiles, eu égard aux conséquences pratiques qui en résultent. Il est aisé de le faire sentir par une comparaison tirée de la géométrie même. On connaît dans cette science des lignes courbes qui doivent s’approcher continuellement d’une ligne droite, sans la rencontrer jamais, et qui néanmoins, étant tracées sur le papier, se confondent sensiblement avec cette ligne droite au bout d’un assez petit espace. Il en est de même des positions de géométrie ; elles sont la limite intellectuelle des ventés physiques, le terme dont celles-ci peuvent approcher aussi près qu’on le désire, sans jamais y arriver exactement. Mais si les théorèmes mathématiques n’ont pas rigoureusement lieu dans la nature, ils servent du moins à résoudre, avec une précision suffisante pour la pratique, les différentes questions qu’on peut se proposer sur l’étendue. Dans l’univers il n’y a point de cercle parfait ; mais plus un cercle approchera de l’être, plus il approchera des propriétés rigoureuses du cercle parfait que la géométrie démontre ; et il peut en approcher à un degré suffisant pour notre usage. Il en est de même des autres figures dont la géométrie détaille les propriétés. Pour démontrer en toute rigueur les vérités relatives à la figure des corps, on est obligé de supposer dans cette figure une perfection arbitraire qui n’y saurait être. En effet, si le cercle, par exemple, n’est pas supposé rigoureux, il faudra autant de théorèmes différens sur le cercle qu’on imaginera de figures différentes plus ou moins approchantes du cercle parfait ; et ces figures elles-mêmes pourront encore être absolument hypothétiques, et n’avoir point de modèle existant dans la nature. Les lignes qu’on considère dans