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DE PHILOSOPHIE.

du même sens que les quantités caractérisées par le signe positif. Qu’est-ce donc que les quantités négatives ? Il en faut distinguer de deux espèces.

Les premiers, par leur signe négatif, indiquent une fausse supposition qui a été faite dans l’énoncé du problème, supposition redressée par la solution. Si on demande un nombre qui ajouté à 20 fasse 15, on trouvera 5 avec le signe négatif ; ce qui marque qu’il aurait fallu énoncer le problème en cette sorte ; trouver un nombre tel qu’étant retranché de 20, et non ajouté, le résultat de l’opération soit 15. En voilà autant qu’il est nécessaire pour donner ici la vraie notion de cette première espèce de quantités négatives qui se rencontrent à tout moment dans les solutions de problèmes.

La seconde espèce de quantités négatives se rencontre principalement dans les problèmes oii le résultat du calcul paraît présenter plusieurs solutions ; elles indiquent alors des solutions du même problème, envisagé sous un point de vue un peu différent de celui que l’énoncé suppose, mais toujours analogue à ce preuiier sens.

Les quantités négatives de la première espèce montrent la généralité et l’avantage du calcul algébrique, qui redresse, pour ainsi dire, le calculateur en partant de la supposition même qui aurait dû l’égarer. Les quantités négatives de la seconde espèce montrent tout à la fois, et la richesse de cette science qui fait trouver dans la solution du problème jusqu’aux choses qu’on ne demandait pas, et en même temps, si on ose le dire, l’imperfection du calcul, qui, en donnant ce qu’on ne cherche pas et qu’on ne lui demande point, ne donne pas toujours ce qu’on lui demande avec toute la perfection qu’on pourrait exiger. C’est ce qui n’arrive que trop dans les questions algébriques ; la solution d’un problème qui n’en a quelquefois réellement qu’une seule possible (dans le sens où il a été proposé), est souvent incorporée et comme amalgamée avec plusieurs autres solutions de problèmes analogues, mais différens ; solutions qui, enveloppant et masquant, pour ainsi dire, la première, la rendent plus difficile à découvrir. Ceux qui ont quelque connaissance de ce qu’on appelle en algèbre la théorie des équations, savent par expérience la vérité de ce que nous venons de dire. Mais en voilà assez sur ce sujet, pour ne pas rebuter ceux de nos lecteurs à qui les élémens de cette science sont absolument inconnus.