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ÉLÉMENS

le multipliant par 2, par 3, par 4, on double, on triple, on quadruple un rapport incommensurable en le multipliant par 2, par 3, par 4, etc. ; on le réduit pareillement, ainsi que tout nombre, à la moitié, au tiers, au quart, en le divisant par 2, par 3, par 4, etc. Il en est de même d’une infinité d’autres Terités semblables, également communes à toutes sortes de rapports, soit exprimables par des nombres, soit incommensurables. En un mot, toutes les vérités sur les nombres, lesquelles ne supposeront pas, ou l’idée de nombres entiers en général, ou celle de tel nombre en particulier, ou la manière d’écrire ou de désigner les nombres par notre calcul arithmétique ordinaire, toutes ces vérités auront également lieu pour les rapports incommensurables. Le calcul algébrique, qui ne considère les rapports et les nombres que de la manière la plus générale et la plus abstraite, s’étend donc et s’applique aux rapports incommensurables, et même encore plus parfaitement à ces rapports qu’aux nombres proprement dits ; et sous ce nouveau point de vue, il mérite encore à plus juste titre le nom d’arithmétique universelle.

Nous verrons dans le paragrapbe XIII, d’après les notions que nous venons de donner de l’algèbre, comment elle s’applique à la géométrie. Mais avant que de finir, exposons encore quelques unes des fausses idées qu’on peut reprocher au commun des algébristes. Elles serviront, pour ainsi dire, de preuves justificatives apportées d’avance de ce que nous dirons dans l’un des articles suivans, sur l’abus de la métaphysique en géométrie, et surtout en algèbre ; et les idées nettes et précises que nous tâcherons ici de substituera ces idées fausses, pourront montrer en même temps un essai de la vraie métaphysique dont ces sciences sont susceptibles.

Les auteurs ordinaires d’élémens ne pèchent pas seulement par le peu de soin qu’ils ont de donner une idée nette de l’algèbre et de son but, mais encore par le peu d’exactitude des notions qu’ils attachent à certaines expressions. Pour abréger, je me bornerai à la notion des quantités négatives. Les uns regardent ces quantités comme au-dessous de rien, notion absurde en elle-même : les autres, comme exprimant des dettes, notion trop bornée, et par cela seul peu exacte : les autres, comme des quantités qui doivent être prises dans un sens contraire aux quantités qu’on a supposées positives ; notion dont la géométrie fournit aisément des exemples, mais qui est sujette à de fréquentes exceptions ; puisqu’il est aisé de faire voir, par des exemples tirés aussi de la géométrie, que des quantités représentées par le calcul avec le signe négatif, doivent quelquefois être prises