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DE PHILOSOPHIE.

connaît. Tout algebriste se sert de l’analyse logique pour commencer et pour conduire le calcul ; mais en même temps le secours de l’algèbre facilite extrêmement l’application de cette analyse à la solution des problèmes. (Voyez le paragraphe suivant.)

§ XI. Éclaircissement sur les élémens d’Algèbre.

L’imperfection que nous avons remarquée dans plusieurs des notions que donnent pour l’ordinaire les élémens de géométrie, ne se rencontre guère moins dans celles que présentent la plupart des élémens d’algèbre ; quelques exemples en seront la preuve.

La première, en un sens la plus essentielle des définitions que ces élémens doivent offrir, est celle de l’algèbre même. Il semble que les auteurs d’élémens se soient mis peu en yjeine de donner une idée nette de la nature de cette science et de son objet. Les uns disent que c’est l’art de faire sur les lettres de l’alphabet les mêmes opérations qu’on fait sur les chiffres ; définition ridicule à tous égards. Les autres se bornent à dire que c’est la science du calcul des grandeurs en général ; définition plus exacte, mais qui a besoin d’être plus développée qu’elle ne l’est ordinairement par les auteurs élémentaires.

Il faut d’abord partir de ce principe, que le calcul des grandeurs ne peut consister qu’à déterminer le rapport des grandeurs entre elles. Or il y a, comme on le verra à la fin du paragraphe XII, deux sortes de rapports ; les uns qui peuvent être exprimés exactement par des nombres, soit entiers, soit rompus ; les autres, qu’on appelle incommensurables, et qui ne peuvent être exprimés par des nombres que d’une manière approchée, mais qui peuvent être représentés, ou qu’on peut imaginer être représentés d’une autre manière, par exemple, par les rapports d’une ligne à une autre. Nous allons faire voir d’abord quelle est l’utilité des caractères algébriques pour représenter les nombres proprement dits, et les rapports qu’ils expriment ; nous verrons ensuite l’utilité de ces mêmes caractères pour représenter les rapports incommensurables.

Pour sentir quel est l’avantage d’exprimer les nombres par des caractères algébriques, il faut remarquer que l’arithmétique ordinaire a deux sortes de principes. Les uns sont dépendans des signes ou chiffres par lesquels on exprime les nombres, et ce sont ceux qu’on appelle proprement règles de l’arithmétique ; règles qui sont attachées à la nature de ces signes, et qui seraient différentes, si au lieu de dix caractères dont nous nous servons pour exprimer tous les nombres possibles, nous en