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ÉLÉMENS

ils sont en quelque façon notre ouvrage ; comment peuvent-ils donc, par rapport à l’évidence, laisser encore quelque chose à désirer ?

Il y a lieu de croire que ces principes avaient dans l’esprit des inventeurs toute la netteté dont ils sont susceptibles ; mais remplis et vivement pénétrés de ce qu’ils concevaient, ces grands génies ont cherché le moyen le plus simple et le plus court de rendre leurs idées ; ils ont en conséquence imaginé des règles de calcul qui sont le résultat et le précis d’un grand nombre de combinaisons ; et c’est dans ce résultat extrêmement réduit qu’ils ont caché leur marche ; ils n’en ont montré que le terme sans en détailler les progrès. L’algèbre est une espèce de langue qui a, comme les autres, sa métaphysique ; cette métaphysique a présidé à la formation de la langue ; mais quoiqu’elle soit implicitement contenue dans les règles, elle n’y est pas développée ; le vulgaire ne jouit que du résultat ; l’homme éclairé voit le germe qui l’a produit ; à peu près comme les grammairiens ordinaires pratiquent aveuglément les règles du langage, dont l’esprit n’est senti et aperçu que parles philosophes.

Cette métaphysique simple et lumineuse qui a guidé les inventeurs, est donc la partie que le philosophe doit s’appliquer à développer dans des élémens d’algèbre ; les opérations de calcul les plus simples suffiront pour la faire entendre. A l’égard des opérations plus compliquées, qui ne renferment que des difficultés de pratique, on pourra en supprimer le détail, suffisamment expliqué dans une infinité d’ouvrages. Par ce moyen l’algèbre ne tiendra pas beaucoup de place dans des élémens de philosophie ; mais en la resserrant dans ce peu d’espace, on pourrait la présenter sous une forme presque entièrement nouvelle.

Il serait peut-être à propos de ne faire précéder la géométrie élémentaire que par la partie de l’algèbre qui est absolument nécessaire à cette géométrie, c’est-à-dire, par la théorie des proportions ; on renverrait à la suite des élémens de géométrie les autres recherches dont l’algèbre s’occupe, entre autres l’analyse mathématique, ou la méthode pour résoudre les problèmes par les secours de l’algèbre. Il y a cette différence en mathématique, entre l’algèbre et l’analyse, que l’algèbre est la science du calcul des grandeurs en général, et que l’analyse est le moyen d’employer l’algèbre à la solution des problèmes. L’usage que l’analyse mathématique fait de l’algèbre, pour trouver les inconnues au moyen des connues, est ce qui la distingue de l’analyse logique, qui n’est autre chose en général que l’art de découvrir ce qu’on ne connaît pas par le moyen de ce qu’on