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DE PHILOSOPHIE.

d’effort pour voir que l’idée de bonté, qu’on présente ensuite, est renfermée dans celle de Dieu ; au lieu que si on présente d’abord l’idée de bonté, elle ne rappelle pas nécessairement celle de Dieu qu’on présentera ensuite, et par conséquent ces deux idées ne sont pas alors disposées entre elles de la manière la plus convenable et la plus commode pour pouvoir être comparées.

Ainsi les deux arrangemens les plus naturels sont ceux-ci :

Dieu, bonté, être,
Dieu, être, bonté.

Et on ne peut pas dire qu’il y ait d’inversion ni dans l’un ni dans l’autre, au moins à considérer la nature des idées prises en elles-mêmes.

Il résulte de cette discussion, et des différens cas qu’elle renferme, que les principes métaphysiques de renonciation n’exigent point que l’attribut soit placé dans tous les cas après le sujet, ni le verbe entre les deux ; le seul principe général d’énonciation qu’on peut établir avec quelque fondement, est que le verbe ou ce qui exprime l’affirmation ne doit jamais commencer la phrase.

Ce que la métaphysique laisse d’arbitraire dans les principes de renonciation, est antérieur à ce qu’on appelle construction dans les langues. En effet, nous nous sommes bornés à supposer jusqu’ici que les langues soient fournies de tous les mots nécessaires pour exprimer soit les idées, soit les liaisons qu’elles ont entre elles, et qu’elles n’aient encore aucune règle de syntaxe dépendante de la nature, du rapport et de la liaison des mots. Mais supposons à présent les langues toutes formées et toutes régulières, et voyons quelle modification leur syntaxe doit apporter aux principes que nous venons d’établir.

Cette syntaxe apprend d’abord que le sujets exprimé par un mot appelé substantif, doit être placé avant l’attribut, exprimé par un mot appelé adjectif. Cet arrangement est fondé sur deux raisons. En premier lieu l’adjectif exprime une manière d’être qui ne peut exister que dans le sujet auquel il se rapporte ; le mot qui exprime l’adjectif suppose, dès qu’il est prononcé, un substantif qui était déjà dans l’esprit de celui qui parle et auquel il avait en vue de rapporter l’adjectif ; par conséquent ce substantif doit être énoncé le premier. En second lieu l’adjectif, au moins dans la plupart des langues, doit s’accorder, comme s’expriment les grammairiens, en genre et en nombre[1] avec le substantif ; d’où il s’ensuit que quand j’énonce, par exemple,

  1. Je n’ajoute point en cas, parce que la plupart des langues modernes n’en ont point.