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ÉLÉMENS

Être, Dieu, bonté,
Être, bonté, Dieu,

dans lesquels on montrerait la liaison des deux idées, avant que d’avoir montré aucune des deux ; ce qui serait absolument contraire à l’ordre naturel.

Mais examinons d’une manière plus précise si l’idée de Dieu doit être placée avant ou après celle de bonté, et pour cela reprenons le parallèle que nous avons fait de cette opération avec celle par laquelle on rapproche l’une de l’autre deux portions d’étendue qu’on veut comparer. Ce parallèle servira à répandre un grand jour sur la question dont il s’agit.

Si les deux portions d’étendue sont absolument égales, il est évident qu’il est absolument indifférent pour la commodité de la comparaison, de les disposer l’une par rapport à l’autre de la manière qu’on voudra. Mais si on veut comparer deux portions d’étendue inégales, un pied d’étendue à une toise, on appliquera le pied sur la toise et non la toise sur le pied, et en général le contenu sur le contenant, et non le contenant sur le contenu, pour juger plus aisément de leur rapport. Si donc on veut comparer entre elles deux idées qui ont absolument le même degré d’étendue, qui se renferment et se rappellent nécessairement l’une l’autre, comme celle de toute-puissance et celle de Dieu, alors leur disposition quant à l’ordre de renonciation est indifférente, puisque l’idée de toute-puissance rappelle nécessairement celle de Dieu, comme l’idée de Dieu celle de toute-puissance. Ainsi, dans ce cas, aucun des quatre arrangemens suivans ne renferme d’inversion,

Dieu, toute-puissance, être,
Dieu, être, toute-puissance ;
Toute-puissance, Dieu, être,
Toute-puissance, être, Dieu.

Il n’en est pas tout-à-fait de même quand des deux idées qu’où compare, il y en a une qui renferme et suppose l’autre, sans qu’elle soit de même renfermée et supposée dans celle-là ; comme l’idée de Dieu et celle de bonté. La première renferme et rappelle la seconde, parce qu’on ne peut concevoir Dieu sans le concevoir bon ; la seconde ne renferme et ne suppose pas la première, parce qu’on peut concevoir un être bon, sans penser à Dieu. Dans ce cas il semble plus naturel de présenter d’abord celle des deux idées qui renferme et qui suppose l’autre ; ce qui en rendra la comparaison plus facile ; car ayant d’abord présenté l’idée de Dieu, on a présenté déjà, au moins implicitement, l’idée de bonté, et par conséquent il ne faut presque plus