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DE PHILOSOPHIE.

mière paraît préférable, parce qu’elle présente les idées à ceux à qui l’on parle dans l’arrangement le plus propre à les éclairer sur la vérité ou la faugsseté du jugement que l’on porte. Cependant l’autre manière de s’énoncer peut avoir aussi son avantage, en ce qu’elle offre aux autres le travail tout fait, et n’en exige aucun de leur part. La première manière ressemble en quelque sorte à la méthode analytique des logiciens et des géomètres, propre à faire trouver les vérités, et à mettre les autres sur la voie de les découvrir eux-mêmes ; la seconde ressemble à la méthode synthétique, principalement destinée à exposer les découvertes, quand elles sont faites, et qu’on veut se borner à en instruire les autres.

On voit donc qu’en supposant même l’idée de Dieu présentée la première, ou peut également placer après celle-là l’une ou l’autre des deux idées qui y sont jointes ; sans qu’on puisse dire qu’il y ait inversion ni dans l’un ni dans l’autre de ces deux arrangemens. La disposition de certains mots entre eux, par exemple du verbe et de l’adjectif, est donc en elle-même purement arbitraire, à envisager la chose métaphysiquement et antérieurement à toute construction.

Revenons maintenant sur la supposition que nous avons faite, que l’idée de Dieu devait être placée la première ; et examinons si cette supposition est légitime. Il s’agit dans le jugement qu’on veut porter, de comparer l’idée de Dieu avec l’idée de bonté ; or, quaiid on compare deux idées, il semble qu’il n’y a point de raison pour préférer l’une à l’autre quant à l’ordre de priorité ; comme il n’y en a point quand on compare et qu’on rapproche deux pieds d’étendue, pour placer l’un au-dessus ou au-dessous de l’autre par préférence. 11 paraît clone indifférent, au moins en envisageant la chose sous ce premier point de vue, de placer l’idée de bonté avant celle de Dieu, ou celle de Dieu avant celle de bonté ; et comme on a déjà observé qu’il était indifférent de placer entre ces deux idées, ou à leur suite, celle qui en exprime la liaison, il s’ensuit que si l’on s’en tenait à cette première considération, on aurait quatre manières, toutes également bonnes, et sans inversion, d’exprimer le même jugement,

« Dieu, bonté, être,

Dieu, être, bonté ; Bonté, Dieu, être,

Bonté, être, Dieu. »

Ainsi des six arrangemens dont les mots Dieu, être, bonté, sont susceptibles, il n’y airait d’exclus, comme renfermant une véritable inversion, que les deux arrangemens suivans,