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ÉLÉMENS

espèce de syntaxe, mais seulement les mots nécessaires pour exprimer chaque idée en particulier ; nous examinerons ensuite la question relativement à la construction grammaticale.

Au lieu de la phrase, Alexandre a vaincu Darius, sur laquelle nous reviendrons plus bas, prenons-en d’abord une plus simple, afin de procéder avec le plus de facilité qu’il est possible dans l’analyse délicate de la question proposée.

Je veux énoncer que Dieu est bon ; c’est l’exemple même apporté en question ci-dessus. Cette proposition ou ce jugement rer.fei nie trois idées, qui doivent être énoncées par des mots différens, l’idée de Dieu, celle de bonté, et celle de la liaison de ces deux idées entre elles, liaison que j’exprime par le mot être ; on demande que l’est l’ordre naturel dans lequel je dois présenter ces idées.

D’abord je suppose, pour ne point embrasser trop de difficultés à la fois, que l’idée de Dieu soit la première qu’il faille énoncer ; je reviendrai dans un moment sur cette hypothèse pour l’examiner. Or, en la supposant juste, je demande d’abord s’il faut placer immédiatement après Dieu l’idée de bonté y et ensuite affirmer par le mot être la liaison de ces deux idées, Dieu, bonté, être, ou s’d faut placer entre ces deux idées celle qui en exprime la liaison. Dieu, être, bonté ? L’ordre qu’on observe dans chacune de ces deux manières d’énoncer, peut être fondé en raison ; la première représente mieux l’opération que nous devons faire faire aux autres pour leur faire porter par eux-mêmes le jugement que nous avons déjà porté. La seconde représente mieux le résultat du jugement après qu’il est tout formé dans notre esprit. Si je veux faire comparer à quelqu’un deux portions d’étendue, je commence par les approcher l’une de l’autre, pour lui faire juger par leur rapprochement mutuel si elles sont égales ou inégales ; de même si je veux lui faire comparer deux idées, je les approche d’abord l’une de l’autre, et je lui fais juger en les approchant de la sorte, si elles s’accordent ou se contrarient. Si donc après avoir jugé que les idées de Dieu et de bonté s’accordent entre elles, je veux les présenter aux autres de la manière la plus propre à leur faire former le jugement que j’en ai porté, il semble que je dois énoncer la proposition ainsi. Dieu, bonté, être. Mais si je veux énoncer simplensent le résultat du jugement que j’ai porté, l’affirmation de la liaison entre ces deux idées, il semble que je dois mettre la liaison entre les deux, Dieu, être, bonté, comme on place entre deux corps le lien qui sert à former et à montrer leur union.

De ces deux manières d’énoncer le même jugement, la pre-