Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée
235
DE PHILOSOPHIE.

de front, et comme rentrer l’une dans l’autre. En effet, la métaphysique a pour but d’examiner la ge’nération de nos idées, et de prouver qu’elles viennent toutes de nos sensations. Or pour faire cet examen d’une manière complète, il faut montrer de quelle manière nos sensations font naître en nous les idées qui en paraissent les moins dépendantes, comme celles du juste et’de l’injuste. Ainsi les premières vérités de la métaphysique sont essentiellement liées aux premières notions de la morale ; et dans une analyse philosophique on ne saurait les séparer. D’un autre côté la logique est l’art de comparer les idées entre elles ; or pour apprendre à les comparer, il est nécessaire d’en connaître la génération ; la métaphysique, sous ce point de vue, doit donc précéder la logique. Mais en même temps on ne peut développer la génération des idées sans faire usage de l’art du raisonnement ; ainsi la logique doit précéder à cet égard l’examen de la génération des idées. Il est donc évidemment impossible de traiter séparément et distinctement l’une de ces trois sciences, la logique, la métaphysique et la morale, sans supposer quelques notions déjà acquises dans les deux autres. Or comment éviter cette apparence de cercle vicieux, si propre à jeter dans des élémens de philosophie une espèce de confusion, suite nécessaire et fâcheuse de l’ordre même qu’on voudrait y observer ? Un peu d’attention à la marche de notre esprit dans l’analyse de ses perceptions, servira à nous faire éviter cet inconvénient. La faculté de juger, ainsi que celle de sentir, s’exerce en nous dès que nous commençons à exister ; à peine un enfant a-t-il des sensations qu’il les compare, qu’il connaît ce qui lui est utile ou nuisible, et par conséquent qu’il juge. Il y a donc en nous une logique naturelle et comme d’instinct, qui préside à nos premières opérations, et que le philosophe doit supposer. La logique considérée comme science, est l’art de faire des combinaisons plus composées et plus dilficiles, et c’est de cet art que le philosophe doit donner les règles. Ainsi il examinera d’abord comment nous connaissons par nos sensations l’existence des objets extérieurs ; il cherchera ensuite comment nos sensations produisent nos idées ; il jettera à cette occasion les premiers fondemens de la morale, et renverra à la morale proprement dite le détail et le développement des vérités qui portent sur ces fondemens inébranlables. La génération des idées étant suffisamraent connue, le philosophe expliquera pour lors l’art de les comparer, c’est-à-dire la logique, pour passer de là à la grande vérité de l’existence de Dieu, qui étant la plus utile application des règles du raisonnement, doit en être la première. Mais une autre science qu’il ne faut pas séparer de la logique