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ÉLÉMENS

Nous ne faisons qu’indiquer ici ces différens points de la morale des lois criminelles. Celle des lois civiles esl plus courte. Il est en ce genre un grand nombre de questions sur lesquelles le philosophe ne doit pas appuyer, à cause de l’arbitraire qu’elles renferment. Il doit se borner aux objets généraux de l’administration, examiner les cas où l’on doit sacrifier le bien particulier au bien public, et ceux oii il peut y avoir des exceplions à cette maxime ; les principes qui rendent les impôts justes ou injustes, la différence de la dépendance civile, par laquelle les citoyens tiennent tous également au corps de l’État dont ils sont sujets, et de la dépendance domestique, par laquelle les enfans sont souanis à leurs pères, les femmes à leurs maris, les serviteurs àleurs maîtres ; les bornes de la dépendance domestique où les citoyens peuvent être les uns des autres, et la nécessité de modifier cette dépendance sans la rompre, pour resserrer les liens de la dépendance civile ; les lois du mariage, la plupart trop onéreuses au sexe le plus faible, parce qu’elles ont été faites par le plus fort ; en un mot, les maximes qui doivent servir de base aux grands principes du gouvernement. Le reste esl la matière de la jurisprudence, science trop contentieuse et trop peu uniforme pour avoir place dans desélémens de philosophie.

Enfin, l’objet des législateurs étant de procurer le plus grand bien de la société qu’ils gouvernent, ils doivent encore engager les hommes à concourir à ce bien pour leur propre intérêt. Si le droit politique demande qu’un citoyen ne devienne pas trop puissant, le droit naturel exige qu’un citoyen utile soit récompensé. Les récompenses sont de deux espèces, les richesses et les honneurs. Les richesses sont dues à ceux qui ont enrichi l’Etat, les honneurs à ceux qui l’ont honoré. Que les citoyens qui se plaignent d’être pauvres ou d’être oubliés, méditent cette règle, et qu’ils se jugent.

Comme le mérite, les talens et les services rendus à l’État sont personnels, les récompenses doivent l’être aussi. Ainsi la famille d’un citoyen, lorsqu’elle n’a d’autre mérite que celui de lui appartenir, ne devrait pas participer aux honneurs qu’on lui rend, si ce n’est autant que cette participation serait elle-même un honneur de plus pour le citoyen. Cette participation devrait-elle donc s’étendre au-delà du temps où le citoyen peut en jouir, c’est-à-dire, au-delà de sa vie ? Et la noblesse héréditaire, surtout dans les pays où les nobles mnt beaucoup de prérogatives ^ n’a-t-elle pas l’inconvénient de faire jouir des avantages dus au mérite, des hommes souvent inutiles, ou même nuisibles à la patrie ?

Si les honneurs ne se doivent qu’au mérite, ils ne doivent