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DE PHILOSOPHIE.

communes à toutes les sectes, aux seuls argumens qui sont fondés sur des principes avoués par tous les siècles et par tous les hommes. Il cherchera l’existence de Dieu dans les phénomènes de l’univers, dans les lois admirables de la nature, non dans ces lois métaphysiques sujettes aux exceptions, et que chacun peut étendre, modifier et resserrer à son gré, mais dans les lois primitives fondées sur les propriétés invariables des corps. Ces lois si simples qu’elles paraissent dériver de l’existence même de la matière, n’en dévoilent que mieux l’intelligence suprême ; par la manière dont elle a construit les différentes parties de notre univers, elle semble n’avoir eu besoin que de donner à cette grande machine la preujière impulsion pour en régler à jamais les différens phénomènes, et pour produire, comme par un seul acte de sa volonté, l’ordre constant et inaltérable de la nature ; impulsion trop admirable et trop raisonnée pour être l’effet d’un hasard aveugle. C’est dans ces lois générales, plutôt que dans les phénomènes particuliers, que le philosophe cherchera l’Être suprême. Ce n’est pas que les procédés d’un insecte qui occupe en apparence si peu de place dans l’univers, découvrent moins à un esprit attentif l’intelligence infinie que les phénomènes généraux : mais ce dernier spectacle est bien plus fait que le premier pour frapper tous les yeux : et les meilleurs argumens en ce genre sont ceux qui peuvent convaincre le plus grand nombre.

De toutes les vérités métaphysiques, celle qui nous intéresse le plus après l’existence de Dieu, et sans laquelle même l’existence de Dieu nous intéresserait beaucoup moins, est l’immortalité de l’âme. Comme cette vérité tient en même temps à la philosophie et à la révélation, il est nécessaire de distinguer ce qu’elle emprunte de l’une et de l’autre.

La philosophie fournit des argumens pressans de la réalité d’une autre vie. Nous avons de très-fortes raisons de croire que notre âme subsistera éternellement, parce que Dieu ne pourrait la détruire sans l’anéantir, que l’anéantissement de ce qu’il a produit une fois ne paraît pas être dans les vues de sa sagesse, et que les corps même ne se détruisent qu’en se transfofmant. Mais d’un autre côté l’exemple des animaux dans lesquels la substance immatérielle périt avec eux, et ce grand principe que rien de tout ce qui est créé n’est immortel de sa nature, suffisent pour nous faire sentir que Dieu pouvait ne créer notre âme que pour un temp=i ; ainsi l’impénétrabilité des décrets éternels nous laisserait toujours quelque espèce d’incertitude sur cet important objet, si la religion révélée ne venait au secours de nos lumières, non pour y suppléer entièrement, mais pour y ajouter