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ÉLÉMENS

les siens, qui ne l’empêchent pas d’être d’une certitude à toute épreuve, parce que l’évidence des raisonnemens y étouffe, pour ainsi dire, l’obscurité des résultats. Dans la vraie religion il doit en être de même ; plus elle aura de mystères à proposer, plus elle doit éclairer et accabler par les preuves ; et je ne crains pas qu’aucun chrétien soit d’un autre avis.

VI. MÉTAPHYSIQUE.

La logique étant l’instrument général des sciences et le flambeau qui doit nous y guider, voyons présentement suivant quel ordre et de quelle manière nous devons porter ce flambeau dans les différenles parties de la philosophie.

Nos idées sont le principe de nos connaissances, et ces idées ont elles-mêmes leur principe dans nos sensations ; c’est une vérité d’expérience. Mais comment nos sensations produisent-elles nos idées ? Première question que doit se proposer le philosophe, et sur laquelle doit porter tout le système des élémens de philosophie. La génération de nos idées appartient à la métaphysique ; c’est un de ses objets principaux, et peut-être devrait-elle s’y borner ; presque toutes les autres questions qu’elle se propose sont insolubles ou frivoles ; elles sont l’aliment des esprits téméraires ou des esprits faux ; et il ne faut pas être étonné si tant de questions subtiles, toujours agitées et jamais résolues, ont fait mépriser par les bons esprits cette science vide et contentieuse qu’on appelle communément métaphysique. Elle eût été à l’abri de ce mépris, si elle eut su se contenir dans de justes bornes, et ne toucher qu’à ce qu’il lui est permis d’atteindre ; or ce qu’elle peut atteindre est bien peu de chose. On peut dire en un sens de la métaphysique que tout le monde la sait ou personne, ou pour parler plus exactement, que tout le monde ignore celle que tout le monde ne peut savoir. Il en est des ouvrages de ce genre comme des pièces de théâtre ; l’impression est manquée quand elle n’est pas générale.

Le vrai en métaphysique ressemble au vrai en matière de eout ; c’est un vrai dont tous les esprits ont le germe en eux-mêmes, auquel la plupart ne font point d’attention, mais qu’ils reconnaissent dès qu’on le leur montre. Il semble que tout ce qu’on apprend dans un bon livre de métaphysique, ne soit qu’une espèce de réminiscence de ce que notre âme a déjà su ; l’obscurité, quand il y en a, vient toujours de la faute de l’auteur, parce que la science qu’il se propose d’enseigner n’a point d’autre langue que la langue commune. Aussi peut-on appliquer aux bons au-