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DE PHILOSOPHIE.

trop, s’en sera fait de tout différens, qui le jetteront dans une conduite opposée. Non-seulement les médecins particuliers, mais les Facultés de médecine semblent se faire un honneur et un plaisir de ne s’accorder pas. De plus, les observations d’un pays sont ordinairement perdues pour un autre. On ne profite point à Paris de ce qui a été remarqué à Montpellier. Chacun est comme renfermé chez soi, et ne songe point à former de société. L’histoire d’une maladie qui aura régné dans un lieu, ne sortira point de ce lieu-là, ou plutôt on ne l’y fera pas. M. Chirac voulait établir plus de communication de lumières, plus d’uniformité dans la pratiî que. Vingt-quatre médecins des plus employés de la Faculté de Paris auraient composé une Académie, qui eut été en correspondance avec les médecins de tous les hôpitaux du royaume, et même avec ceux des pays étrangers, qui l’eussent bien voulu. Dans un temps où les pleurésies, par exemple, auraient été plus communes, l’Académie aurait demandé à ses correspondans de les examiner plus particulièrement dans toutes leurs circonstances, aussi-bien que les effets pareillement détaillés des remèdes. On aurait fait de toutes ces relations un résultat bien précis, des espèces d’aphorismes, que l’on aurait gardés cependant jusqu’à ce que les pleurésies fussent revenues, pour voir quels changemens ou quelles modifications il faudrait apporter au premier résultat. Au bout d’un temps on aurait eu une excellente histoire de la pleurésie, et des règles pour la traiter, aussi sûres qu’il soit possible. Cet exemple fait voir d’un seul coup d’œil quel était le projet, tout ce qu’il embrassait, et quel en devait être le fruit. M. le duc d’Orléans l’avait approuvé et y avait fait entrer le roi, mais il mourut lorsque tout était disposé pour l’exécution. » On ne sera peut-être pas fâché d’apprendre par la suite du même éloge, ce qui a empêché la réussite de ce projet ; je ne crois point ce récit déplacé dans un ouvrage de philosophie, ne fût-ce que pour ajouter de nouveaux traits à l’histoire de l’esprit humain, et pour faire connaître les causes morales qui, dans les siècles les plus éclairés, retardent le progrès des sciences les plus utiles.

« M. Chirac étant devenu premier médecin du roi, sa nouvelle autorité lui réveilla les idées de son Académie de médecine… Mais quand le dessein fut communiqué à la Faculté de Paris, il y trouva beaucoup d’opposition. Elle ne goûtait point que vingt-quatre de ses membres composassent une petite troupe choisie, qui aurait été trop fière de cette distinction, et se serait crue en droit de dédaigner le reste du corps. Les plus employés devaient la former, et les plus employés