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ÉLÉMENS

traires l’une à l’autre, comme celle de mouvement et celle de repos.

Ces notions sont la base de toute la logique. En ne perdant point de vue le sens précis que nous venons d’y attacher, il est facile de réduire tout l’art du raisonnement à une règle fort simple. Nous avons dit que l’art de raisonner consiste à comparer ensemble deux idées par le moyen d’une troisième. Pour juger donc si l’idée A renferme ou exclut l’idée B, prenez une troisième idce C, à laquelle vous les comparerez successivement l’une et l’autre ; si l’idée A est renfermée dans l’idée C, et l’idée C dans l’idée B, concluez que l’idée A est renfermée dans l’idée B. Si l’idée A est renfermée dans l’idée C, et que l’idée C exclue l’idée B, concluez que l’idée A exclut l’idée B. Tout syllogisme exact doit se réduire à l’un de ces deux cas ; dans tout autre il est vicieux. Voilà le fondement de toutes les règles du syllogisme, imaginéespar les logiciens, règles dont les unes sont trop vagues, et trop difficiles dans l’application, et dont les autres sont trop multipliées, trop subtiles, et par-là trop pénibles, soit à retenir, soit à mettre en œuvre. Ce n’est pas qu’il n’y ait du mérite et de la sagacité dans l’invention de ces règles ; peut-être même n’est-il pas inutile de les faire connaître aux jeunes gens, ne fût-ce que pour exercer leur esprit aux démonstrations, et pour s’assurer jusqu’à quel point ils sont capables d’en sentir l’enchamement et l’ensemble. Mais il faut, d’une part, ne donner a ces spéculations, peu nécessaires en elles-mêmes, que les momens perdus, pour ainsi dire, dans l’étude de la philosophie ; etde l’autre, faire sentir aux jeunes gens que la forme syllogistique, si chère aux scolastiques pour leurs vaines disputes, est bien moins nécessaire dans les véritables sciences, que ces mêmes sco-Jasliques ne le pensent ou ne le disent ; que sans cet échaffaudage un esprit juste aperçoit pour l’ordinaire la connexion ou la discordance de deux idées avec l’idée moyenne à laquelle il les compare, et par conséquent la connexion ou la discordance que ces deux idées ont entre elles ; que les géomètres, ceux de tous les philosophes qui se sont toujours le moins trompés, ont toujours été ceux qui ont fait le moins de syllogismes ; et que la forme syllogistique n’est guère plus nécessaire à un bon raisonnement que le nom de théorème à une véritable démonstration. L’étalage en tout genre est une preuve d’opulence au moins très-équivoque, et souvent une marque beaucoup plus sûre d’indigence.