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ÉLÉMENS

terminer. On trouvera dans un des c’claircissemens suivans de nouvelles réflexions sur cet important objet.

V. LOGIQUE.

Puisque les vérités fondamentales qui font la substance des éiémens, ne sont pas toutes des vérités premières, et qu’il y en a qui ont besoin de combinaison pour être saisies et prouvées, il faut donc avant toutes choses connaître les règles suivant lesquelles cette combinaison doit se faire. Elle ne Consiste que dans le chemin continu et successif que fait l’esprit du connu à l’inconnu ; c’est ce qu’on appelle raisonner. L’art de raisonner, qu’on a nommé logique, est donc la première science qu’on doit traiter dans les éiémens de philosophie, et qui en forme comme le frontispice et l’entrée. Nous avons sur la logique des écrits sansnouibre ; mais la science du raisonnement a-t-elle besoin de tant de règles ? Pour y réussir, il est aussi peu nécessaire d’avoir lu tous ces écrits, qu’il l’est d’avoir lu nos grands traités de morale pour être honnête homme. Les géomètres, sans s’épuiser en préceptes sur la logique, et n’ayant que le sens naturel pour guide, parviennent par une marche toujours sûre aux vérités les plus détournées et les plus abstraites ; tandis que tant de philosophes, ou plutôt d’écrivains en philosophie, paraissent n’avoir mis à la tête de leurs ouvrages de grands traités sur l’art du raisonnement, que pour s’égarer ensuite avec plus de méthode ; semblables à ces joueurs malheureux qui calculent longtemps et finissent par perdre.

Ce n’est point, comme nous l’avons déjà dit, à l’usage illusoire des axiomes que les géomètres doivent la sûreté de leurs raisonnemens et de leurs principes ; c’est au soin qu’ils ont de fixer le sens des termes, et de n’en abuser jamais, à la mauière dont ils décomposent leur objet, à l’enchaînement qu’ils savent mettre entre les vérités. Il est vrai qu’ils ont un avantage, c’est de travailler sur un sujet palpable, et simplifié le plus qu’il le peut être par l’abstraction qu’on fait d’un grand nombre de ses qualités. Mais si dans les autres sciences les intervalles entre les vérités sont plus grands, plus fréquens, plus difficiles à remplir, la méthode sera toujours uniforme pour parvenir à la connaissance des vérités qui nous sont soumises. Elle consiste à observer exactement leur dépendance mutuelle ; à ne point remplir par une fausse généalogie les endroits où la filiation manque ; à imiter enfin ces géographes qui, en détaillant avec soin sur leurs cartes les régions connues, ne craignent point de laisser des espaces vides à la place des terres ignorées.