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ÉLÉMENS

déduit ensuite, comme nous l’avons fait voir, les idées simples, ou par la décomposition ou par la généralisation. Ainsi, au lieu de définir les idées composées, en réunissant à la fois dans une seule phrase, et sans aucune décomposition préalable, les idées simples dont cette idée est formée, il serait, ce me semble, plus conforme à la marche de l’esprit, de séparer par déduction îes idées simples des idées composées, et de faire sentir par là comment les idées abstraites se simplifient en naissant successivement les unes des autres.

Au lieu de dire, par exemple, comme on fait à la tête de presque tous les élémens de géométrie, la ligne est une étendue sans largeur ni profondeur, la surface une étendue sans profondeur, le corps une étendue auec largeur, longueur et profondeur, j’aimerais mieux procéder de la manière suivante. Je suppose que j’aie entre les mains un corps solide quelconque, j’y distingue d’abord trois choses, étendue, bornes en tous sens, et impénétrabilité ; je fais abstraction de cette dernière, il me reste l’idée d’étendue et celle de bornes, et cette idée constitue le corps géométrique, qui diffère du corps physique par l’idée de l’impénétrabilité, essentielle à celui-ci. Je fais ensuite abstraction de l’étendue ou de l’espace que ce corps renferme, pour ne considérer que ses bornes en tous sens ; et ces bornes me donnent l’idée de surface, qui se réduit, comme il est visible, à une étendue de deux dimensions ; enfin, dans l’idée de surface, je fais encore abstraction d’une des deux dimensions qui la composent, et il me reste l’idée de ligne. Voilà un léger essai de la manière dont il serait à désirer qu’on procédât dans les définitions philosophiques.

De quelque manière au reste qu’on s’y prenne pour définir, remarquons qu’une définition sera vicieuse, toutes les fois qu’on pourra en retrancher quelque chose sans altérer l’idée que cette définition doit servir à fixer. Ainsi dans la définition du corps, que donnent plusieurs philosophes, que c’est une étendue impénétrable y figurée, divisible et mobile, les mots divisible et mobile paraissent devoir en être retranchés comme superflus ; divisible, parce que l’idée attachée à ce mot est absolument renfermée dans l’idée d’étendue ; mobile, pour deux raisons, 1o. parce que ce mot signifie susceptible de mouvement, et qu’il n’est pas plus dans la nature du corps d’être susceptible de mouvement que de repos ; il faudrait donc d’abord pour l’exactitude rigoureuse substituer au mot de mobile, cette phrase, également susceptible de repos ou de mouvement ; 2o. cette addition même serait illusoire, et n’ajouterait rien à l’idée à’étendue impénétrable etfgurée} car dès qu’on suppose une portion d’étendue