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ÉLÉMENS

essentielle et la plus utile, qui a pour objet la génération clés idées et leur développement. En effet, cette recherche bien appréciée et réduite à son véritable point de vue, n’est que l’histoire de nos pensées ; tous les faits qui composent cette histoire nous sont connus, puisqu’ils sont notre propre ouvrage ; il ne faut plus qu’une atlention suivie pour voir par quel enchaînement ces faits naissent les uns des autres. Cette partie de la métaphysique est donc une science qu’on peut regarder comme susceptible de toute la perfection qui doit la rendre complète, et ne rien laisser à désirer au philosophe attentif. Tout le reste des objets dont la métaphysique s’occupe, ou dont elle peut s’occuper, nous présente peu de vérités clairement connues, une obscurité impénétrable dans quehjues unes de celles dont nous ne pouvons douter, et quelquefois même une opposition entre ces vérités, qui pour n’élre qu’apparente, n’en est pas moins forte à nos yeux. On peut regarder la métaphysique comme un grand pays, dont une petite partie est riche et bien connue, mais confine de tous côtés à de vastes déserts, oii l’on trouve seulement de distance en dislance quelques mauvais gîtes prêts à s’écrouler sur ceux qui s’y réfugient.

En physique, l’expérience et l’observation nous font connaître tous les jours bien des vérités ; plusieurs de ces vérités nous laissent apercevoir l’union qui est entre elles ; nous connaissons, par exemple, le rapport entre la pesanteur des corps, et la force qui retient les planètes dans leurs orbites : dans d’autres cas, nous ne voyons l’union des vérités que d’une manière impar « faite. Telle est l’analogie entre la pesanteur des corps et l’attraction des tuyaux capillaires ; nous avons des raisons de croire, mais non d’être assurés, que ces deux espèces de gravitation tiennent à la même cause, à la tendance réciproque des parties de la matière les unes vers les autres. Plusieurs vérités enfin ont entre elles une union dont nous ne pouvons pas douter par le fait, mais que nous ne pouvons apercevoir dans son principe ; nous citerons pour exemple le rapport qu’il y a entre le son de la voix, la barbe et les parties de la génération, rapport ; dont les effets de la castration ne nous permettent pas de douter, mais dont la raison nous est absolument inconnue. Les propriétés de l’aimant sont encore dans le même cas ; nous ignorons, non-seulement par quelle raison ces propriétés si différentes, et en apparence si peu analogues entre elles, se trouvent réunies dans un même corps ; nous ignorons même jusqu’à quel point elles y sont unies, et s’il serait possible de conserver à l’aimant sa propriété d’attirer le fer en lui étant celle de se tourner vers les pôles du monde. Ces exemples, auxquels onpourrnit en ajouter