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ÉLÉMENS

rites géométriques ne tiennent point aux questions si agitées sur la nature de l’étendue ; le philosophe ne cherchera donc point dans la solution de ces questions les premiers principes de la géométrie ; il portera sa vue plus haut et plus loin. Puisque les propriétés de l’étendue, démontrées en géométrie, sont admises sans contradiction, il en conclura qu’il est sur la nature de l’étendue des idées communes à tous les hommes, un point commun où les sectes se réunissent comme malgré elles, des principes vulgaires et simples d’où elles partent toutes sans s’en apercevoir ; principes que les disputes ont obscurcis’ou fait négliger, sans en étouffer le germe. Ce sont ces notions communes et primitives, dégagées desnuages « que le sophisme cherche à y répandre, que le philosophe saisira pour en faire la base des vérités géométriques. De même, quoique le mouvement soit l’objet de la mécanique, le philosophe aperçoit sans peine que la métaphysique obscure de la nature du mouvement est entièrement étrangère à cette science : il suppose donc l’existence du mouvement, tel que tous les hommes le conçoivent, tire de cette supposition une foule de vérités utiles, et laisse bien loin derrière lui les scolastiques s’épuiser en vaines subtilités sur le mouvement même. Zenon chercherait encore si les corps se meuvent, tandis qu’Archimède aurait trouvé les lois de l’équilibre, Huyghens celles de la percussion, et Newton celles du système du monde.

On voit par ces réflexions, qu’il est un grand nombre de sciences oii il suffit, pour arriver à la vérité, de savoir faire usage des notions les plus communes. Cet usage consiste à développer les idées simples que ces notions renferment, et c’est ce qu’on appelle définir. Ainsi ce n’est pas sans raison que les mathématiciens regardent les définitions comme des principes, puisque dans les sciences oii le raisonnement a la meilleure part, c’est sur des définitions nettes et exactes que la plupart de nos connaissances sont appuyées. Les définitions sont donc un des objets auxquels on doit donner le plus de soin dans des élémens de philosophie ; et puisqu’elles ne consistent qu’à savoir démêler dans chaque notion les idées simples qui y sont contenues, il faut, pour apprendre à définir, savoir d’abord distinguer les idées composées de celles qui ne le sont pas.

À proprement parler, il n’y a aucune de nos idées qui ne soit simple ; car quelque composé que soit un objet, l’opération par laquelle nous le concevons est unique ; ainsi c’est par une seule opération simple que nous concevons un corps comme une substance tout à la fois étendue, impénétrable, figurée et colorée. Ce n’est donc point par la nature des opérations de l’espril qu’on doit juger du degré de simplicité des idées ; c’est la simplicité de