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ÉLÉMENS

Rien ne serait donc plus utile qu’un ouvrage qui contiendrait, non ce qu’on a pensé dans tous les siècles, mais seulement ce qu’on a pensé de vrai. Ce plan bien approfondi est moins immense qu’il ne paraît. Il ne s’agit point ici de rassembler cette foule de connaissances particulières, isolées, et souvent stériles, que les hommes ont acquises sur chaque matière ; il ne s’agit point de montrer en détail le chemin long, pénible et tortueux que les inventeurs ont suivi ; il s’agit de fixer et de recueillir les principes de nos connaissances certaines ; de présenter sous un même point de vue les vérités fondamentales ; de réduire les objets de chaque science particulière à des points principaux et bien distincts, pour les parcourir plus aisément ; d’éviter également dans cette décomposition, l’esprit minutieux et borné qui laisse le tronc pour les branches, et l’esprit trop avide de généralités, qui perd et confond tout en voulant tout embrasser et tout réduire.

Dans le discours préliminaire de l’Encyclopédie, discours dont nous supposerons ici tous les principes, nous nous sommes contentés d’expliquer comment les différens objets de la nature, considérés d’abord séparément et successivement unis et rapprochés ensuite, combinés, approfondis, décomposés et recomposés, ont mené les hommes d’une science à l’autre. Obligés de nous tenir dans une espèce de lointain pour embrasser cette perspective immense, et composée de parties si nombreuses et si disparates, nous n’avons pu y jeter qu’un coup d’œil rapide et général ; dans des élémens de philosophie on doit se placer à cette juste distance qui permettra d’examiner successivement les parties principales du tableau, celles qui peuvent être saisies à la vue simple par un observateur attentif, les masses et les objets principaux.

Notre dessein dans cet essai n’est point de parcourir en détail les différentes matières qui doivent entrer dans les élémens dont nous parlons ; nous ne voulons que les exposer sommairement, et en faire comme une espèce de table ; nous nous bornerons à indiquer l’ordre suivant lequel il nous paraît qu’on doit disposer ces matières, et les principes par lesquels on doit les traiter.

III. OBJET ET PLAN GÉNÉRAL.

La philosophie n’est autre chose que l’application de la raison aux différens objets sur lesquels elle peut s’exercer. Des élémens de philosophie doivent donc contenir les principes fondamentaux de toutes les connaissances humaines ; or ces connaissances sont de trois espèces, ou dejaits, ou de sentiment, ou de discussion. Cette dernière espèce sflple appartient uniquement et par tous