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AVERTISSEMENT.

écrits qui ne sont destinés qu’à instruire ; et ce sont même souvent les esprits les plus froids qui se montrent sur ce point les plus difficiles à satisfaire. On croirait que c’est par le besoin qu’ils ont d’être ranimés, si on ne savait que la chaleur du style n’a pas le même avantage que la chaleur physique, celui de fondre la glace. Pour moi, qui n’aspire pas à fhonneur de l’éloquence, mais qui heureusement traite des matières où elle n’est pas d’obligation, où peut être même elle serait nuisible, je n’ai jamais eu pour point de vue dans mes écrits que ces deux mots, clarté et vérité ; et je me tiendrais fort heureux d’avoir rempli cette devise, persuadé que la vérité seule donne le sceau de la durée aux ouvrages philosophiques ; qu’un écrivain qui s’annonce pour parler à des hommes ne doit pas se borner à étourdir ou amuser des enfans ; et que l’éloquence est bientôt oubliée quand elle n’est employée qu’à orner des chimères. La flamme d’esprit-de-vin n’échauffe guère et s’éteint bien vite ; il faut nourrir le feu de matières solides pour que la chaleur soit sensible et durable.

On n’espère donc et on ne désire même d’autres lecteurs que ceux qui ne craindront ni d’être rebutés par des matières sèches, ni d’être refroidis par un style qu’on a tâché seulement de rendre clair et précis. Ils feront bien, avant de lire chaque Éclaircissement, de jeter les yeux sur l’endroit des Élémens de Philosophie qui y est relatif. C’est en faveur de ceux qui ont déjà ces Élémens que les Éclairaissemens n’ont point été refondus dans le corps de l’ouvrage.

À la suite de ces Éclaircissemens on trouvera deux pièces dont l’objet a aussi rapport à la philosophie.

La première expose des doutes sur certains principes généralement reçus dans le calcul des probabilités. Je ne sais si ces doutes sont aussi fondés qu’ils me le paraissent ; mais je crois du moins avoir prouvé que de très-habiles mathématiciens ont supposé tacitement et sans s’en apercevoir, dans plusieurs savantes recherches, des principes semblables à ceux que je tâche d’établir.

La seconde pièce contient des réflexions sur l’inocvdation, qui pourraient bien ne pas contenter tout le monde. Les considérations d’après lesquelles je crois qu’on doit se déterminer en sa faveur, ne paraîtront peut-être pas concluantes à plusieurs même de ses partisans : je suis d’autant plus porté à le croire qu’ils ne feront en cela qu’user de représailles ; car je n’ai point dissimulé, et j’ai tâché même de faire voir démonstrativement, l’insuffisance des principales raisons dont la plupart des inoculateurs ou inoculistes se sont appuyés jusqu’ici. Je n’en dirai pas davantage sur ce sujet ; si l’inoculation, comme je le crois, est véritablement utile, il importe à ses progrès que sa cause ne soit pas mal défendue ; c’est au public à juger si j’ai été plus heureux que les autres.

Les cinq morceaux sulvans sont de pure littérature.

Lesquatre premiers ont été lus à l’Académie Française en différentes occasions. Les deux écrits sur la Poésie, et surtout le premier, ont excité dans le temps et vraisemblablement exciteront encore les cla-