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AVERTISSEMENT.

Un grand roi, que tout îe monde reconnaîtra à ce seul titre, ayant lu les Élémens de Philosophie, et les ayant jugés utiles, a désiré qu’on y donnât plus d’étendue ; il a bien voulu même indiquer les endroits qui lui paraissaient avoir besoin d’être discutés et approfondis. L’auteur s’est fait un devoir de se conformer aux vues de cet illustre monarque, trop heureux de lui donner cette légère preuve de son profond respect et de sa reconnaissance ; sentimens qu’il partage avec tous ceux qui cultivent ou qui aiment la philosophie et les lettres, dont ce prince est un juge si éclairé et un protecteur si digne de l’être.

Quelques amis de l’auteur ayant lu en manuscrit les Éclaircissemens qui lui avaient été demandés, l’ont engagé à les mettre au jour ; et il s’est rendu, peut-être trop facilement, à leurs conseils. Cependant l’ouvrage qu’on offre ici au public n’est pas tel qu’il a été présenté au roi de Prusse. On a donné à certains articles plus de développement, et à d’autres une forme différente. Tous les lecteurs n’entendent pas, comme ce prince, à demi mot, et n’entendraient pas raison comme lui sur ce qui pourrait contrarier, à certains égards, les idées communes. On a tâché de se mettre ici à la portée de tout le monde, et autant qu’on a pu, de ne révolter personne, sans pourtant blesser la vérité, qui mérite bien aussi qu’on ait quelques égards pour elle.

Si ces premiers Éclaircissemens sont reçus du public avec indulgence, on se propose d’en donner de nouveaux par la suite sur plusieurs endroits des Élémens de Philosophie, dont l’objet n’est ni moins intéressant, ni moins susceptible de discussion.

On croit devoir avertir ceux qui ne cherchent qu’à s’amuser dans leurs lectures, qu’ils peuvent se dispenser d’entreprendre celle de ce volume. Ils y trouveront jusqu’à des figures de géométrie ; c’en est plus qu’il ne faut pour les effrayer. La plupart des matières traitées dans ce livre sont épineuses et arides, et ne peuvent intéresser tout au plus que ceux qui aiment à réfléchir. Ils jugeront si j’ai réussi à les faire penser ; car c’est là tout ce que je me propose, et ce qu’on devrait, je crois, se proposer toujours quand on écrit. Je ne serais pas, à la vérité, tout à-fait de l’avis de ce mathématicien, qui disait après avoir lu une scène de tragédie, qu’est-ce que cela prouve ? Mais je demanderais volontiers de quelque ouvrage que ce pût être, qu’est-ce que cela apprend ? Et pourquoi ne serait-il pas permis de le demander ? Croit-on qu’une excellente scène dramatique, un excellent roman, et d’autres ouvrages qui ne passent que pour agréables, ne donnent pas beaucoup à méditer quand ils sont bien lus, et par conquent beaucoup à apprendre ?

On ne parle aujourd’hui que de chaleur, on en veut jusque dans les