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DE D’ALEMBERT.

il avait fallu employer en même temps les hypothèses ingénieuses de Daniel Bernoulli, que leur accord avec les phénomènes les plus généraux de l’hydraulique, permettait presque de regarder comme des faits. Dans la théorie des fluides, comme dans celle du mouvement des corps susceptibles de changer de forme, le principe de d’Alembert, lorsqu’on l’employait seul, conduisait à des équations qui échappaient aux méthodes connues, et cette première découverte semblait rendre nécessaire celle d’un nouveau calcul ; d’Alembert en eut encore l’honneur : dans un ouvrage sur la théorie générale des vents, couronné par l’académie de Berlin, en 1746, il donna les premiers essais du calcul des différences partielles ; l’année suivante, il l’appliqua au problème des cordes vibrantes, dont la solution, ainsi que la théorie des oscillations de l’air et de la propagation du son, n’avaient pu être données que d’une manière incomplète par les géomètres qui l’avaient précédé, et ces géomètres étaient ou ses maîtres ou ses rivaux.

L’invention de ce calcul est encore une de ces découvertes destinées à être dans les sciences une époque mémorable ; elle le mérite d’autant plus, qu’en donnant un nouvel instrument d’un usage très-étendu, elle a montré en même temps la route qu’il fallait suivre pour en former d’autres du même genre ; et toutes les parties de l’analyse où l’on considère des équations dont l’intégrale peut contenir des fonctions arbitraires de quantités variables, doivent être regardées comme des branches du calcul de d’Alembert, quels que soient la forme de ces arbitraires et le système de différentiation qui les ait fait évanouir.

Dans cette pièce sur la théorie des vents, il ne considéra que l’effet qui peut être produit par l’action combinée de la lune et du soleil sur le fluide dont la terre est enveloppée ; il examina quelle figure l’atmosphère doit prendre à chaque instant, en vertu de cette action, la force et la direction des courans qui en résultent, et les changemens que doit produire sur leur direction et sur leur vitesse, la forme des grandes vallées qui sillonnent la surface du globe.

Les changemens de température, produits dans l’atmosphère par la présence du soleil, sont une autre cause générale, régulière, et susceptible d’être mesurée ; d’Alembert se borne à en remarquer l’existence : il aurait fallu, pour la calculer, adopter quelque hypothèse sur les lois de la dilatation de l’air, sur l’intensité de l’action de la chaleur du soleil aux différentes hauteurs, et pour des couches d’air plus ou moins denses ; ses recherches n’eussent servi qu’à donner une preuve de plus de son génie pour l’analyse, mais sans conduire à aucun résultat réel ; il n’eût travaillé que pour la gloire, et il voulait réserver ses forces pour des ouvrages utiles aux progrès des sciences.

Il lui restait encore à donner un moyen d’appliquer son principe au mouvement d’un corps fini, d’une figure donnée ; et en 1749, il résolut le problème de la précession des équinoxes. L’axe de la terre ne répond point toujours au même lieu du ciel, mais il se dirige successivement vers tous les points d’un cercle parallèle au plan de l’orbite terrestre ; et par une suite de ce mouvement, les équinoxes