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DISCOURS PRÉLIMINAIRE

Mais, sans nous étendre davantage sur l’encyclopédie anglaise, nous annonçons que l’ouvrage de Chambers n’est point la base unique sur laquelle nous avons élevé ; que l’on a refait un grand nombrede ses articles ; que l’on n’a employé presque aucun des autres sans addition, correction, ou retranchement, et qu’il rentre simplement dans la classe des auteurs que nous avons particulièrement consultés. Les éloges qui furent donnés il y a six ans au simple projet de la traduction de l’encyclopédie anglaise, auraient été pour nous un motif suffisant d’avoir recours à cette encyclopédie, autant que le bien de notre ouvrage n’en souffrirait pas.

La partie mathématique est celle qui nous a paru mériter le plus d’être conservée : mais on jugera par les changemens considérables qui ont été faits, du besoin que cette partie et les autres avaient d’une exacte révision.

Le premier objet sur lequel nous nous sommes écartés de l’auteur anglais, c’est l’arbre généalogique qu’il a dressé des sciences et des arts, auquel nous avons cru devoir en substituer un autre. Cette partie de notre travail a été suffisamment développée plus haut. Elle présente à nos lecteurs le canevas d’un ouvrage qui ne se peut exécuter qu’en plusieurs volumes infolio, et qui doit contenir un jour toutes les connaissances des hommes.

À l’aspect d’une matière aussi étendue, il n’est personne qui ne fasse avec nous la réflexion suivante. L’expérience journalière n’apprend que trop combien il est difficile à un auteur de traiter profondément de la science ou de l’art dont il a fait toute sa vie une étude particulière. Quel homme peut donc être assez hardi et assez borné pour entreprendre de traiter seul de toutes les sciences et de tous les arts ?

Nous avons inféré de là que pour soutenir un poids aussi grand que celui que nous avions à porter, il était nécessaire de le partager ; et sur-le-champ nous avons jeté les yeux sur un nombre suffisant de savans et d’artistes ; d’artistes habiles et connus par leurs talens ; de savans exercés dans les genres particuliers qu’on avait à confier à leur travail. Nous avons distribué à chacun la partie qui lui convenait ; quelques uns même étaient en possession de la leur, avant que nous nous chargeassions de cet ouvrage. Ainsi, chacun n’ayant été occupé que de ce qu’il entendait, a été en état de juger sainement de ce qu’en ont écrit les anciens et les modernes, et d’ajouter aux secours qu’il en a tirés, des connaissances puisées dans son propre fonds. Personne ne s’est avancé sur le terrain d’autrui, et ne s’est mêlé de ce qu’il n’a peut-être jamais appris ; et nous avons eu plus de méthode.