Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée
83
DE L’ENCYCLOPÉDIE.

d’instruire plus particulièrement le public sur l’ouvrage que nous lui présentons. Le Prospectus qui a déjà été publié dans cette vue, et dont M. Diderot mon collègue est l’auteur, ayant été reçu de toute l’Europe avec les plus grands éloges, je vais en son nom le remettre ici de nouveau sous les yeux, avec les changemens et les additions qui nous ont paru convenables à l’un et à l’autre.

On ne peut disconvenir que depuis le renouvellement des lettres parmi nous, on ne doive en partie aux dictionnaires les lumières générales qui se sont répandues dans la société, et ce germe de science qui dispose insensiblement les esprits à des connaissances plus profondes. L’utilité sensible de ces sortes d’ouvrages les a rendus si communs, que nous sommes plutôt aujourd’hui dans le cas de les justifier que d’en faire l’éloge. On prétend qu’en multipliant les secours et la facilité de s’instruire, ils contribueront à éteindre le goût du travail et de l’étude. Pour nous, nous croyons être bien fondés à soutenir que c’est à la manie du bel esprit et à l’abus de la philosophie, plutôt qu’à la multitude des dictionnaires, qu’il faut attribuer notre paresse et la décadence du bon goût. Ces sortes de collections peuvent tout au plus servir à donner quelques lumières à ceux qui sans ce secours n’auraient pas eu le courage de s’en procurer, mais elles ne tiendront jamais lieu de livres à ceux qui chercheront à s’instruire ; les dictionnaires par leur forme même ne sont propres qu’à être consultés, et se refusent à toute lecture suivie. Quand nous apprendrons qu’un homme de lettres, désirant d’étudier l’histoire à fond, aura choisi pour cet objet le dictionnaire de Moreri, nous conviendrons du reproche que l’on veut nous faire. Nous aurions peut-être plus de raison d’attribuer l’abus prétendu dont on se plaint, à la multiplication des méthodes, des élémens, des abrégés et des bibliothèques, si nous n’étions persuadés qu’on ne saurait trop faciliter le moyen de s’instruire.

On abrégerait encore davantage ces moyens en réduisant à quelques volumes tout ce que les hommes ont découvert jusqu’à nos jours dans les sciences et dans les arts. Ce projet, en y comprenant même les faits historiques réellement utiles, ne serait peut-être pas impossible dans l’exécution ; il serait du moins à souhaiter qu’on le tentât ; nous ne prétendons aujourd’hui que l’ébaucher ; et il nous débarrasserait enfin de tant de livres, dont les auteurs n’ont fait que se copier les uns les autres. Ce qui doit nous rassurer contre la satire des dictionnaires, c’est qu’on pourrait faire le même reproche sur un fondement aussi peu solide aux journalistes les plus estimables. Leur but n’est-il pas