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Commençant d’être libre en cessant d’être injuste,.
Paris s’enivrera de cette pompe auguste,
Où le génie absous par l’équité des lois,
Triomphera de Rome et du courroux des rois :
Ce jour le fanatisme en vain contre Voltaire
soulèvera le ciel, soulèvera la terre ;
La liberté paisible et la religion
Échapperont dès-lors à sa contagion,
Et leurs cultes brouillés par l’intérêt de Rome
Se réconcilieront sur l’autel du grand homme.

Il dit : un saint désordre agite ses cheveux,
Son corps moins incliné paraît majestueux,
Il n’a plus rien d’humain, une fureur céleste
Brille dans son regard, dans son port, dans son geste ;
Il semblait que Voltaire, à sa voix ranimé,
Eût passé du tombeau dans son cœur enflammé :
Tel à Delphes autrefois, lorsque d’un pied mystique
Un prêtre interrogeait le trépied prophétique,
Il recueillait le dieu dans son sein agité,
Et du sombre avenir perçait l’immensité ;
Plus sage, le vieillard fondait sa prophétie
Sur les progrès constants de la philosophie.

Dieu reçut dans son sein cet oracle flatteur,
Et sainte Geneviève en tressaillit de peur ;
Bientôt il s’accomplit. La quatorzième aurore
Venait d’épanouir la guirlande de Flore ;
Sa lumière égayant les horreurs du trépas,
Au tombeau du poète avait guidé mes pas.
Là, rêvant sur la France, en mon deuil solitaire
J’implorais tour-à-tour ma patrie et Voltaire ;