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TIMOTHÉE,


IMITATION DE DRYDEN.


Lorsqu’assis au festin du vainqueur de l’Asie,
Timothée inspirait sa noble frénésie,
Il variait toujours ses faciles accents,
Et sur des tons nouveaux il modulait ses chants.
Maître des passions sur sa lyre savante,
Il exprimait les ris, la pitié, l’épouvante,
Et d’une main rapide il touchait tour-à-tour
La corde de la gloire et celle de l’amour.
Tantôt il célébrait Bacchus et ses conquêtes,
Ses dons chers aux guerriers, son triomphe et ses fêtes ;
Tantôt de Darius retraçant les malheurs,
Des yeux du conquérant il arrachait des pleurs ;
Lui rappellait du sort l’inconstance ordinaire,
Le néant des grandeurs, leur brillante chimère ;
Et d’Alexandre ému présageant le destin,
Il semblait voir sa coupe et son dernier festin.
Dans le cœur du héros plus tendre, plus sensible,
Il inspirait alors ce sentiment paisible,
Qui tel que la nuance entre l’ombre et le jour,
N’étant plus la pitié n’est pas encor l’amour ;