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lédictions que les hommes font peser sur elles. Au contraire, on dirait qu’il choisit les plus déshéritées pour illustrer à souhait ses propres malédictions. Au fond, il les absout, peut-être. Mais encore est-il trop sceptique pour se faire volontiers l’avocat d’un être… fût-ce l’avocat du Diable à l’occasion !

Il n’est pas surprenant qu’aux déshérités du monde animal Baudelaire ait ajouté les animaux fabuleux, qu’ils nous viennent de la mythologie, de la légende médiévale et de tous les antres de l’enchantement.

Plonge tes yeux dans les yeux fixes
Des Satyresses et des Nixes,


murmure l’Avertisseur. La Danse macabre passe. Le squelette mène le branle et le poète observe :

À travers le treillis recourbé de ses côtes,
Je vois, errant encor, l’impitoyable aspic.

Mais, de tous les animaux fabuleux, celui qui a le plus hanté Baudelaire, c’est à coup sûr le Vampire.

Image du désir acharné qui n’accorde la volupté qu’au prix de l’épuisement, ou image de la femme perverse et obsédante, qui boit le sang et la moelle de son amant, le Vampire passe et repasse dans maints poèmes :

Infâme à qui je suis lié…
Comme à la bouteille l’ivrogne,
Comme aux vermines la charogne…