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Que Baudelaire pensât ou ne pensât pas en vers, c’est une question fort délicate. Il est probable que, comme beaucoup de poètes, et des plus grands, il portait longtemps en lui ses mélodies avant de choisir les rythmes auxquels il en confierait l’expression définitive. On a cité souvent ce mot de Racine : « Ma pièce est finie. Il ne manque plus que les vers. » Peut-être Baudelaire en aurait-il pu dire autant. Pour lui toutefois la réalisation plastique était bien plus laborieuse que pour le grand tragique. Mais au fond les résultats seuls demeurent. Et toute la question revient à savoir si Baudelaire a atteint ceux qu’il se proposait.

Par bonheur il est peu de poètes chez lesquels il soit plus facile de suivre les étapes du travail poétique, car nombre de ses poèmes nous sont offerts en deux versions, l’une en prose, l’autre en vers, l’une dans les Petits poèmes, l’autre dans les Fleurs du Mal. Ce sont deux « états » de la même image. Il est intéressant de les confronter.

Les occasions ne manquent pas. On pourrait prendre : la Chambre double et la Mort des Amants, À une heure du matin et l’Examen de minuit, les Veuves et les Petites Vieilles, les deux Crépuscules du soir. Mais voici peut-être l’exemple le plus caractéristique : l’Éloge du Vin, tiré de l’Étude : Du vin et du haschich