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L’eau s’avance et nous gagne et, pas à pas, la vague,
Montant les escaliers qui montent à nos tours,
Mêle aux chants du festin son chant confus et vague[1].

Vers plastiques et avant tout plastiques, sans doute, mais où la plastique repose sur un accompagnement musical, c’est-à-dire un choix de rythmes et de sonorités particulièrement accordés avec elles et faits pour en prolonger l’effet. On sent cela mieux encore en d’autres poèmes de Gautier. Dans la louange du Sommeil :

Enfant mystérieux, hermaphrodite étrange
Où la vie au trépas s’unit et se mélange
Et qui n’a de tous deux que ce qu’ils ont de beau…

Dans le Triomphe de Pétrarque :

Sous leurs robes d’azur aux lignes ondoyantes
Le ciel et l’horizon dans un baiser charmant
Fondaient avec amour leurs lèvres souriantes…

Et enfin, dans quelques pièces, de beaucoup les plus rares, où la dominante n’est plus plastique, mais mélodique. Ainsi la Romance :

Les pigeons sur le toit roucoulent,
Roucoulent amoureusement
Avec un son triste et charmant ;
Les eaux sous les grands saules coulent…

Ou encore la pièce qui ramène plusieurs fois

  1. Ceci n’est pas le seul cas où un poète français ait usé d’une triple allitération en m pour marquer la montée des vagues comme à trois échelons successifs. À cet exemple de Gautier, joignons, à titre de curiosité, celui de Corneille :

      Les Maures et la mer montent jusques au port (Le Cid)

    et celui de Victor Hugo :

      Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir (Les Pauvres Gens).