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sique de son verbe, mais, en revanche, il scandalisa… Or tel n’est pas le cas de sa destinée posthume. Sans doute il y eut en lui de l’artificiel, beaucoup d’artificiel, et même des parties pourries ou près de pourrir, mais tout cela s’est déposé, avec les années, comme une lie, comme un dépôt étranger sur les parois d’un flacon, et l’avenir ne recueillera sans doute dans son œuvre qu’un breuvage purifié.

Rouvrez-les, ces livres, et si vous avez l’oreille assez subtile, vous entendrez gémir à chaque page un tourment de l’infini peu différent en soi de celui qui fit les mystiques et créa les saints. Des chrétiens vont même jusqu’à revendiquer pour un des leurs l’auteur des Litanies de Satan, et ils n’ont pas tout à fait tort. Mais, même si on ne les suit pas jusqu’au bout, il est impossible de négliger l’inquiétude morale où le poète se débattit, sa vie durant, déchirant, déchiré, réussissant moins à guérir son mal qu’à l’exaspérer, mais en souffrant jusqu’à la mort. C’est même par là qu’il se distingua toujours des simples croyants, navigateurs heureux goûtant enfin la sécurité du port, mais c’est par là aussi qu’il se rattachait à cette famille des grands inquiets, dont Pascal n’est que le plus génial et le plus déchiré.

Pascal ! mais oui, ayons le courage de le dire, c’est à Pascal lui-même qu’il nous arrive de