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au Conseil et à l’assemblée immédiatement après les sacrifices ; et à ceux d’entre eux qui Voudront habiter notre ville, l’exemption de toutes charges publiques.

Nous érigerons sur le Bosphore trois statues de seize coudées, représentant le Peuple d’Athènes couronné par ceux de Byzance et de Périnthe (49).

Il sera, de plus, envoyé des théories aux solennités de la Grèce, aux jeux Isthmiques, Néméens, Olympiques, Pythiques ; elles proclameront les couronnes dont la nation athénienne est couronnée par nous, afin que tous les Hellènes connaissent la générosité d’Athènes et la reconnaissance de Byzance et de Périnthe. [92]

Lis aussi le décret par lequel la Chersonèse nous a décerné des couronnes.

Décret.

Les Peuples de la Chersonèse, habitant Sestos, Éléonte, Madytos, Alopéconèse, couronnent le Conseil et le Peuple d’Athènes d’une couronne d’or de soixante talents (50) ; ils érigent un autel à la Reconnaissance et au Peuple Athénien, qui a rendu le plus grand de tous les services aux Chersonésites. Par lui ils ont été sauvés des mains de Philippe, ils ont recouvré patrie, lois, culte, liberté. Dans les âges à venir leur gratitude vivra, et ils feront aux Athéniens tout le bien qui sera en leur pouvoir.

Décrété en Conseil général.

[93] Ainsi, la Chersonèse et Byzance sauvées, l’Hellespont préservé du joug de Philippe, notre cité honorée pour ces faits, voilà l’œuvre de mon système politique. J’ai fait plus, j’ai montré à tous les peuples la générosité d’Athènes, la scélératesse du Macédonien. Oui, à la face du monde, l’ami, l’allié des Byzantins assiégeait leur ville : quoi de plus infâme, de plus abominable ? [94] et vous, malgré tant de reproches mérités par leur conduite coupable envers vous, on vous a vus, non contents d’étouffer vos ressentiments, de ne point repousser des opprimés, les sauver, et devenir ainsi l’amour et l’admiration de la Grèce ! Il est plus d’un gouvernant que la République a couronné avant moi : qui l’ignore ? Mais, excepté moi, où est l’Athénien, conseiller du Peuple ou orateur, qui ait fait couronner la République ? Qui le pourrait nommer ?

[95] Pour montrer que les invectives lancées par Eschine aux Eubéens et aux Byzantins, lorsqu’il affectait de rappeler ce qui avait pu nous déplaire dans leur conduite, sont des paroles de sycophante, non seulement comme calomnies (vous le savez, je pense), mais encore parce que, fussent-elles parfaitement vraies, il importait de traiter les affaires comme je l’ai fait, je veux citer une ou deux belles actions de notre République ; je serai court : États, comme particuliers, doivent toujours se régler sur leurs précédents les plus honorables.

[96] Lacédémone, ô Athéniens ! dominait sur terre et sur mer ; cernant l’Attique de toutes parts, ses gouverneurs, ses garnisons occupaient l’Eubée, Tanagre, la Béotie entière, Mégare, Égine, Céos, et les îles d’alentour ; Athènes n’avait ni vaisseaux, ni remparts : cependant vous vous mettez en marche pour Haliarte ; peu de jours après, pour Corinthe. Pouvant vous souvenir des nombreuses offenses des Corinthiens et des Thébains dans la guerre décélique (51), vous ne le faites pas, bien loin de là ! [97] Dans ces deux expéditions, Eschine, Athènes n’agissait point par reconnaissance, et ne s’aveuglait pas sur leurs dangers. Toutefois elle ne repoussa point des peuples qui se jetaient entre ses bras ; et, pour l’honneur, pour la gloire, elle voulut s’exposer au péril : résolution aussi sage qu’héroïque : car, on aurait beau se blottir dans un obscur réduit, la mort est pour tous le terme inévitable. L’homme de cœur doit donc toujours mettre la main à de nobles entreprises, s’armer d’espérance (52), et supporter fermement ce que la Divinité envoie. [98] Voilà ce qu’ont fait vos pères, ce qu’ont fait les plus âgés d’entre vous. Sparte n’était ni votre amie ni votre bienfaitrice ; Athènes en avait souvent reçu de graves injures : cependant, lorsque les vainqueurs de Leuctres s’efforcèrent de la détruire, vous vous y opposâtes sans redouter la puissance et la gloire thébaines, sans compter vos griefs contre ceux pour qui vous alliez exposer vos jours (53). [99] Par là, vous apprîtes à tous les peuples de la Grèce que, si l’un d’eux vous a offensés, vous mettez en réserve votre courroux, et que, devant un danger qui menacera son existence ou sa liberté, vous ferez taire tout ressentiment.

Et ce n’est pas alors seulement que vous vous conduisîtes ainsi. Une autre fois, les Thébains s’emparant de l’Eubée, loin de fermer les yeux, loin de vous ressouvenir de l’indigne conduite de Thémison et de Théodore envers vous au sujet d’Oropos, vous secourûtes les Eubéens. Alors, pour la première fois, la ville eut des triérarques volontaires ; je fus du nombre ; [100] mais ce n’est pas le moment d’en parler. Vous vous êtes montrés grands en sauvant cette île, plus grands encore lorsque, maîtres des habitants et des cités, vous rendîtes tout fidèlement à qui vous avait trahis, oubliant les injures dès qu’on s’abandonnait à votre foi. Je passe mille autres faits que je pourrais citer, batailles navales, marches, expéditions entreprises par vos aïeux, par vous-mêmes, pour le salut et la liberté de la Grèce.

[101] Eh bien ! moi qui, dans ces grandes et nombreuses occasions, avais contemplé notre ville toujours prête à combattre pour les intérêts d’autrui, moi qui voyais sa propre existence devenue presque l’objet de ses délibérations, que devais-je proposer ? que devais-je lui conseiller ? La vengeance, sans doute, contre ceux qui lui demandaient de les sauver ! des prétextes 381 pour