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éclatante estime, ces honneurs, ces couronnes, ces actions de grâces, que vous décerna leur reconnaissance. Parmi les villes attaquées, celles qui vous écoutèrent furent sauvées ; les négligentes se rappelèrent souvent vos prédictions, et virent en vous non seulement des amis dévoués, mais de profonds politiques, mais des oracles : car tout arriva comme vous l’aviez annoncé. [81] Toutefois, que n’eût pas donné Philistide pour posséder Oréos ; Clitarque, pour Érétrie, Philippe lui-même, pour tenir ces deux places contre vous, pour que nul ne dévoilât ses autres manœuvres, n’observât de près ses injustices ? Tous le savent, et toi, Eschine, mieux que personne, [82] toi, chez qui logeaient les envoyés de Clitarque et de Philistide, toi, leur proxène (42) ! Des hommes qu’Athènes avait chassés comme ennemis, comme porteurs d’iniques et pernicieux conseils, étaient pour toi des amis ! Tu n’as donc avancé que des mensonges, vil diffamateur ! Payé, je deviens muet, dis-tu ; l’or dépensé, je crie ! Toi, tu fais autrement : tu cries les mains pleines ; et tu crieras toujours, si nos juges ne te bâillonnent aujourd’hui par une flétrissure !

[83] Athéniens, vous me couronnâtes alors pour mes services ; Aristonique rédigea le décret dans les mêmes termes qu’offre aujourd’hui celui de Ctésiphon ; la couronne fut proclamée au théâtre, honneur qui m’est décerné pour la seconde fois (43). Eschine, quoique présent, ne réclama point, n’accusa pas l’auteur de la motion. —Prends-moi aussi ce décret, et lis.

[84] Décret.

Sous l’Archonte Charondas, fils d’Hégémon, le six de la troisième décade de Gamélion (44), la tribu Léontide présidant, Aristonique de Phréarrhe a dit :

Attendu que Démosthène de Paziania, fils de Démosthène, a rendu de nombreux et importants services au Peuple Athénien ; secouru beaucoup d’alliés, autrefois comme aujourd’hui, par ses décrets ; délivré plusieurs villes de l’Eubée ; que, toujours affectionné au Peuple, il procure, de fait et de parole, autant qu’il le peut, le bien des Athéniens et des autres Hellènes ;

Le Conseil et le Peuple d’Athènes arrêtent :

Démosthène de Pacania, fils de Démosthène, sera loué publiquement, couronné d’une couronne d’or, et proclamé sur le théâtre, aux Dionysies, le jour des tragédies nouvelles.

Sont chargés du soin de la proclamation la tribu qui préside, et l’agonothète (45).

Proposé par Aristonique de Phréarrhe.

[85] Eh bien ! qui, parmi vous, a vu jaillir de ce décret sur Athènes la honte, les sarcasmes, la dérision, que cet homme lui prédit si vous me couronnez ? Lorsque les actions sont récentes et généralement connues, on récompense le bien, on punit le mal. Or, vous le voyez, j’obtins alors k reconnaissance publique, loin d’être blâmé ou puni. [86] Ainsi, jusqu’à ce temps du moins, mon administration fut constamment avouée de tous comme salutaire à la patrie : j’en atteste et mes discours, mes décrets prévalant dans vos délibérations, et l’exécution de ces mêmes décrets, et les couronnes qu’ils méritèrent à la République, à vous tous, à moi-même, et les sacrifices, les pompes religieuses qui célébrèrent ces heureux événements.

[87] Chassé de l’Eubée par vos armes, et, dussent certaines gens en étouffer, par ma politique et mes décrets, Philippe médite contre Athènes un nouveau plan d’attaque. Comme il voit que nous consommons plus de blés étrangers que tout autre peuple, il veut se rendre maître du transport, passe en Thrace, et demande aux Byzantins, ses alliés, de s’unir à lui pour nous faire la guerre. Ils refusent, disant avec raison que ce n’est point là une condition de leur alliance. Alors il entoure leur ville de tranchées, fait approcher ses machines, et assiége. [88] Ce que nous devions faire alors, je ne le demanderai pas, chacun le voit. Mais qui secourut les Byzantins, et les sauva ? Qui préserva l’Hellespont d’une domination étrangère ? Vous, hommes d’Athènes ! Quand je dis vous, je dis la République. Or, au nom de cette République, qui parlait, décrétait, agissait ? Qui se voua sans réserve à cette affaire ? Moi (46). [89] Quel fruit vous en revint-il à tous ? Ce n’est plus à la parole à vous l’apprendre ; c’est aux faits, à l’expérience. La guerre d’alors, si glorieuse d’ailleurs, fit affluer ici toutes sortes de vivres, et en baissa le prix plus que la paix actuelle (47), si fidèlement gardée par ces bons citoyens qui immolent la patrie à leurs espérances. Puissent-ils en être frustrés ! puissent les Dieux les exclure des biens que vous leur demandez, vous, les amis de l’État ; et vous préserver de toute participation à leurs complots ! — Lis-leur le décret par lequel Byzance et Périnthe couronnèrent la République pour ce bienfait.

[90] Décret des Byzantins.

Sous I’Hiéromnamon (48) Bosporichos, Damagètos a dit dans l’assemblée, avec la permission du Conseil :

Attendu que le Peuple Athénien, par le passé, a toujours été bienveillant pour les Byzantins, et pour les Périnthiens leurs alliés et leurs frères ; qu’il leur a rendu de grands et nombreux services ; que, dernièrement encore, quand Philippe de Macédoine portait la guerre sur notre territoire et contre notre ville, pour arracher les deux peuples à leurs foyers, brûlant le pays et coupant les arbres, Athènes, avec le secours de cent vingt vaisseaux, des vivres, des armes, des hoplites, nous a tirés d’un grand péril, nous a rendu le gouvernement de nos pères, nos lois, nos tombeaux ;

[91] Le Peuple de Byzance et de Périnthe arrête :

Sont accordés aux Athéniens les droits de mariage, de cité, d’acquérir terre et maisons ; la préséance aux jeux, 380 l’entrée