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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

La fortune jalouse a trompé leur courage.
Ils n’ont point réussi dans leurs nobles travaux ;
Jupiter l’a voulu : mais en dignes héros
Ces mortels ont péri pour la cause publique.
Il n’est donné qu’aux dieux, ce privilège unique
De ne faillir jamais, de réussir toujours.
De la fatalité qui peut vaincre le cours ?

Entendez-vous, Eschine, ce que dit l’inscription ?

Il n’est donné qu’aux dieux ce privilège unique
De ne faillir jamais, de réussir toujours.

Ce n’est pas du ministre, mais des dieux qu’elle fait dépendre le succès. Pourquoi donc, calomniateur infâme, pourquoi, au sujet de nos revers, m’accabler d’invectives, et me charger d’imprécations dont le ciel devrait tourner l’effet sur vous et sur vos pareils ?

Ce qui m’a le plus révolté. Athéniens, dans le cours de ses calomnies et de ses invectives, c’est qu’en insistant sur nos malheurs, il en a parlé sans éprouver ni témoigner la tristesse d’un citoyen zélé et vertueux. Avec cet air et ce ton satisfait, avec ces éclats d’une voix sonore, il croyait m’accuser, sans doute, et il ne faisait que prouver, contre lui-même, qu’il n’était pas aussi touché que nous de nos infortunes. Toutefois, un citoyen qui aime les lois et le gouvernement de son pays, autant qu’Eschine s’en pique, s’il ne peut rien davantage, doit du moins s’affliger et se réjouir avec le peuple, et non embrasser, par système, le parti de nos ennemis, comme a fait l’accusateur,