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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

immédiatement après notre infortune, il fallut choisir un orateur pour l’éloge funèbre [96], le choix du peuple ne tomba, ni sur vous, qu’on avait proposé, vous qu’un si bel organe avait rendu célèbre ; ce ne fut pas non plus sur Démade, qui venait de conclure la paix, ni sur Hégémon, ni sur beaucoup d’autres ; ce fut sur moi seul qu’il jeta les yeux. Vous m’attaquâtes alors, Pythoclès et vous ; et avec quelle fureur, avec quelle impudence, juste ciel ! vous produisiez, de concert, les griefs et les invectives que vous renouvelez en ce jour ; mais le peuple n’en fut que plus ardent à confirmer son choix. Quoique vous n’en puissiez ignorer le motif, je vais cependant vous le dire. Les Athéniens connaissaient, d’une part, mon zèle et mon intégrité, de l’autre, vos iniquités et vos perfidies. Ces liaisons avec Philippe, que vous désavouâtes toujours dans les prospérités de la patrie, vous en conveniez dans ses disgrâces. Ils pensaient donc que des hommes à qui les calamités publiques n’étaient qu’une occasion de découvrir le fond de leur âme, ennemis secrets depuis long-tems, n’avaient attendu que le moment pour se déclarer. Ils ne croyaient pas qu’on dût confier l’éloge de nos illustres morts à celui qui avait logé sous le même toit, et participé aux mêmes sacrifices que ceux contre qui ils avaient mesuré leurs armes ; qu’on dût honorer, dans Athènes, des hommes qui, en Macédoine, avaient célébré la désolation