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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

enfin sur Ctésiphon, sans m’avoir jamais attaqué directement, c’est le dernier excès de la malice.

Vos déclamations, Eschine, me feraient croire que vous avez entrepris cette cause, non pour demander justice de quelques délits, mais pour faire parade d’une belle voix. Ce ne sont néanmoins ni les agrémens du discours, ni la beauté de la voix, qu’on estime dans un orateur ; mais cette conformité de vues et de sentimens avec la république, qui lui fait aimer et détester ceux qu’elle aime et ceux qu’elle déteste. L’orateur animé de cet esprit, rapporte toutes ses paroles à son amour pour elle ; celui, au contraire, qui flatte ses ennemis jurés, ne tient pas aux mêmes espérances, et par conséquent n’attend pas son salut du même endroit que le peuple. Mais, sans doute, ce ne fut jamais là mon système, je ne séparai jamais mes intérêts de ceux de l’état, et je n’ai rien fait à part. Ni moi non plus, direz-vous. Le pouvez-vous dire ? vous, Eschine, qui, aussitôt après le combat, partîtes en ambassade vers Philippe, l’auteur de toutes nos disgrâces [94], quoique jusqu’alors vous eussiez toujours refusé cette commission, comme personne ne l’ignore. Mais, je vous le demande, quel est le citoyen qui trompe la république ? N’est-ce pas celui qui parle autrement qu’il ne pense ? Quel est le citoyen à qui s’adressent les malédictions prononcées par le héraut dans chaque assemblée [96] ? N’est-ce pas à un tel homme ? Quoi