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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

du moins cela est heureux : est-ce une raison, cependant, pour blâmer un ministre souvent accusé, et jamais convaincu ? Mais, du moins, vis-à-vis de lui je peux m’attribuer le même honneur que Céphale, puisqu’il n’a ni commencé, ni poursuivi contre moi aucune accusation, et que par-là il a reconnu lui-même que je ne le cède en rien à Céphale.

La malignité et la basse jalousie éclatent dans plusieurs de ses discours, mais, sur-tout, dans ses déclamations sur la fortune [87]. En général, il faut manquer de délicatesse et avoir perdu le sens, pour reprocher à un autre la rigueur du destin qui le poursuit : car, si le mortel qui croit être le plus fortuné, ignore s’il le sera jusqu’au soir, doit-il vanter son propre bonheur, et reprocher au malheureux son infortune ? Eschine, sur cet article comme sur beaucoup d’autres, s’est exprimé avec la dernière arrogance. Qu’on voye et qu’on juge combien mes discours à ce sujet sont plus sensés et plus solides que les siens. Pour moi, j’estime la république heureuse : Jupiter et Apollon [88] nous l’ont assuré par leurs oracles ; je regarde, au contraire, comme triste et fâcheux le destin de tous les autres peuples. En effet, quel peuple dans la Grèce ou parmi les Barbares, n’a pas éprouvé une infinité de maux dans les circonstances présentes ? Mais avoir pris le parti le plus honorable, et n’être pas plus malheureux que les autres Grecs, qui pen-