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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

même, accusait Démosthène. Mais un homme qui tire sa gloire des malheurs de la Grèce, mérite d’être condamné, au lieu d’en accuser un autre ; un homme qui profite des mêmes circonstances que les ennemis de l’état, ne saurait être bien intentionné pour la patrie : vous le prouvez, Eschine, par votre vie privée, par votre vie publique, par vos discours, et même par votre silence. Traite-t-on une affaire intéressante pour l’état ? Eschine est muet : est-il arrivé un malheur imprévu ? Eschine parle. Ainsi, dans nos corps, les anciennes fractures et autres vices semblables se réveillent et s’annoncent par des douleurs, dès qu’il survient quelque maladie [72]. Mais, puisque l’accusateur insiste si fort sur l’événement, je vais avancer une espèce de paradoxe ; quelqu’étrange qu’il puisse paraître, je supplie ceux qui m’entendent, je les conjure, au nom des dieux, de l’écouter sans répugnance, et de l’examiner sans prévention.

Quand même l’avenir eût été connu de tous les Athéniens, que tous les Athéniens eussent prévu notre défaite, et que vous, Eschine, vous l’eussiez prédite, la publiant à grands cris, vous qui n’avez pas ouvert la bouche ; la république d’Athènes ne devait pas changer de conduite pour peu qu’elle eût égard à sa propre gloire, à celle de ses ancêtres, au jugement de la postérité. On pense, à présent, qu’elle a échoué dans une entreprise, comme